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Critique de Alfaric


Lui-même victime de la censure pour son titre "Manhole", le mangaka Tetsuya Tsutsui nous offre en 2 tomes un magnifique plaidoyer pour la liberté d'expression et un pamphlet au vitriol contre les censeurs qui se cachent derrière les médias prostitués et les prescripteurs d'opinions (et je ne parle même pas de la classe dirigeante, elle n'a plus besoin de personne pour prouver qu'elle est hautement plus nocive que tout ce qu'elle pourra qualifier de nocif), le tout avec un joli coup de crayon auquel qui ne m'a pas totalement conquis mais indéniablement de qualité.

En 2020, le jeune mangaka Mikio Hibino se lance dans le métier avec « Dark Walker », un nouveau manga d'horreur (dont la version initiale ressemble fortement au "Tokyo Ghoul" de Sui Ishida, un hasard sûrement ^^). Pas de chance pour lui, en prévision des JO de Tôkyô les cul-serrés ont décidé de serrer la vis en imposant au pays tout entier la chape de plomb de la pensée unique du politiquement correct ("Meilleur des Mondes" d'Aldous Huxley et "1984" de George Orwell, nous vous saluons bien !)
Notre héros ne cesse de revoir sa copie pour transformer son histoire en récit classique de zombies virologiques, mais rien n'y fait la censure veut faire de lui un exemple pour toute la profession : l'avenir sera politiquement correct, formaté et aseptisé ou ne sera pas ! du coup nous suivons en parallèles la lutte pour la survie de ces personnages contre les créatures mortes- vivantes, et sa propre lutte pour la survie contre les créatures bien plus terrifiantes de la pensée unique. Nous découvrons à travers les yeux de notre candide tous les mécanismes ubuesques de la censure et l'autocensure sous toutes leurs formes, jusqu'à cet artiste très connu qui a renoncé à toute créativité pour industrialiser sa production avec un partage de tâche digne des plus grands heures de la taylorisation du travail… Va-t-on vers une lobotomisation culturelle à l'échelle d'une civilisation ?
Avec de rares alliés, dont son responsable éditorial Tadamine Higa et Alfred Brown, un petit directeur éditeur américain qui ne veut pas la culture manga ne subisse le même génocide culturel que la culture comics (remember l'ignoble Wertham et le détestable Comics Authority Code de sinistre mémoire, mais toujours d'actualité), il mène un combat perdu d'avance contre les forces obscures de la crevardise. Et tandis que notre mangaka rookie se demande jusqu'où peut-il aller dans sa création, et quels compromis il est capable de faire pour respecter autrui, les prescripteurs d'opinions aux questions très orientées et aux conclusions déjà toutes faites sont dans le radicalisme : si une oeuvre présente un risque même infime d'être mal interprétée et de favoriser un passage à l'acte délictueux d'une seule personne, il faut que cette oeuvre n'ait jamais existé… Jusqu'au boutisme absolument terrifiant, car si au départ les arguments avancés restent censées, de raccourcis faciles en conclusion capillotractées on aboutit à un auteur qui subit les mêmes tortures qu'Alex DeLarge dans "Orange Mécanique" à cause d'un fait divers commis par l'un de ses lecteurs… (On a le même chez nous d'ailleurs : untel a commis un acte de violence, or untel jouait aux jeux vidéos, donc les jeux vidéos rendent violent. CQFD pour ceux qui vivent en dehors de la réalité en haut de leurs tours d'ivoire, mais pour ceux qui vivent la réalité en bas de ces mêmes tours d'ivoire c'est le néant de l'intelligence rendant le café du commerce digne de l'Académie ou du Lycée)
Quand les politiciens se mettent à l'hygiénisme moral, attention aux dégâts : les chasses aux sorcières ont de beaux jours devant elles ! Car les Savonarole des temps nouveaux partisans du risque zéro ne sont que des putains de carriéristes qui n'endossent l'armure de chevalier blanc que pour se faire mousser et monter en grade au détriment des boucs émissaires du moment. Comment croire qu'à l'heure d'Internet une interdiction de vente dans telle ou telle oeuvre dans tel ou tel centre-ville commune soit d'un quelconque effet ? Et je ne parle même pas du deux poids deux mesures, car si par exemple on traque le moindre bout de sein ou de fesse au cinéma, la femme-objet et l'homme-objet ont eux les coudées franches dans le monde de la publicité. C'est que là il y a des intérêts financiers en jeux, ce n'est pas la même chose voyez-vous… Hypocrisie to the max, comme ces parents qui viennent faire des scandales dans les médiathèques, mais qui laisse leur progéniture feuilleter les ouvrages des rayonnages pour adultes en grandes surfaces… On marche sur la tête !


Au XXIe siècle, nous avons tous les moyens de développer une démocratie planétaire. Oui mais non, les nostalgiques de l'Ancien Régime et des privilèges veulent continuer leur popote tranquillement, et continuent de sévir en tant que pseudo experts de mes couilles au sein de commissions ad hoc, de comités théodules et autres conseils cooptés, où ils peuvent tranquillement donner libre cours à leurs pulsions despotiques. Qu'ils aillent tous au diable, ils seront bien reçus par lui !


Notez que la réalité a dépassé la fiction puisque les autorités internationales ont demandé au gouvernement japonais de nettoyer leurs productions culturelles avant les JO de Tôkyô. Ah ! Que l'ONU (Organisation des Tartuffes Unis) ou l'UE (Union tartufféenne) et tutti quanti ne sont aussi résolus quand il s'agit de lutter contre la ségrégation des femmes (au hasard en Arabie Saoudite), contre les inégalités économiques ou le manque parité politique (au hasard en France) ou contre les violences conjugales (au hasard aux Etats-Unis)… C'est pathétique, il n'y a vraiment plus rien à attendre du tout des élites mondialisées à part un remake des années 1930, car d'un côté nous avons la pensée unique des médias prostitués et le brainwashing opéré par la novlangue qui prêchent le TINA, et d'un autre côté une pandémie multimédia d'oeuvres dystopiques antisystème qui prêchent le NO FUTURE. Soi-disant morte et enterrée, je la trouve vachement d'actualité la lutte des classes… MDM !
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