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Critique de Eve-Yeshe


On fait la connaissance de Chrissie, dont l'enfance est tout sauf joyeuse : son père constamment absent, a tel point qu'elle pense chaque fois qu'il est mort, tandis que sa mère ne s'occupe pas d'elle. Elle a une énorme carence affective car non seulement sa mère ne lui manifeste aucun intérêt, constamment au fond de son lit ou sortie, elle ne pense même pas à lui faire à manger.

Chrissie crève de faim, dans tous les sens du terme, essayant de trouver quelques miettes dans le réfrigérateur ou les placards, s'invitant parfois chez les voisins ou à l'église s'il y a un buffet, sinon il ne lui reste plus qu'à jeûner ou aller chercher quelques bonbons chez la commerçante suspicieuse qui ne l'aime pas.

Elle se conduit parfois brutalement avec les copines d'école, verbalement ou physiquement prête à tout pour exister, être vue, ne plus être ignorée. Elle vit dans un quartier pauvre, mais il y a encore plus pauvre qu'elle. Un jour, le premier jour du printemps, alors qu'elle a huit ans elle va commettre l'irréparable : étrangler Steven, le petit frère de son amie, âgé de deux ans et laisser le corps dans une maison isolée.

On la retrouve des années plus tard : elle a une nouvelle identité, est devenue Julia et a une fille Molly. On a bien compris que la justice l'avait rattrapée, après une enquête compliquée, un passage par le Foyer de Haverleigh.

Nancy Tucker décortique avec minutie, détails, la manière dont la misère affective de cette petite fille, qui ne s'est jamais sentie aimée, ce qui peut la conduire à ce geste, certes odieux, mais en retraçant la souffrance de la petite fille qui ne se rend pas forcément compte de ce que représenta la mort, et surtout son côté inéluctable : comme son père est censé être mort pendant ses absences, elle pense que Steven va « revenir ».
On comprend aussi l'évolution de Chrissie devenue Julia en état mère à son tour : comment être une bonne mère quand on n'a pas été aimée par la sienne, durant l'enfance : sa mère a même cherché à la faire adopter ! mais Chrissie était trop grande, et comme chacun sait, la plupart du temps, les parents adoptifs préfèrent des bébés, donc encore un rejet !

J'ai aimé la manière dont l'auteure a structuré son récit, la petite fille qui devient mère, et se sent illégitime, redoutant toujours que les services sociaux lui enlèvent Molly, car elle n'est pas à la hauteur. Notamment lorsque cette dernière fait une chute, et sa casse le poignet et que mystérieusement le téléphone se met à sonner de manière intempestive. Elle ne peut évoquer que le pire : être accusée de maltraitance.

Nancy Tucker, qui travaille en unité psychiatrique, connaît suffisamment son sujet pour que son roman soit crédible, étoffé et durant la lecture, on ne juge jamais Chrissie, on essaie de comprendre le pourquoi du comment, en espérant qu'elle va s'en sortir : elle n'avait que huit ans, au moment des faits, elle a payé sa dette même si ce n'est jamais assez pour la famille des victimes, car la perte d'un enfant dépasse tout ce qu'on peut imaginer, il n'y a d'ailleurs pas de terme pour désigner cet état : on parle d'orphelin quand ce sont les parents qui décèdent mais curieusement il n'y a aucun mot pour un parent dont l'enfant est décédé.

L'auteure, aborde aussi la capacité de résilience de l'individu : ce n'est pas parce qu'on a commis un acte grave, qu'on n'est pas capable d'évoluer, de devenir quelqu'un de respectable. L'enfermement dans un Foyer ne conduit pas forcément à un comportement encore plus violent, la prison n'est pas forcément l'école du crime. L'auteure nous livre cette phrase ô combien significative sur le Foyer avec majuscule ou minuscule :

« Haverleigh était certes un « Foyer », mais du genre qui prend une majuscule et que borde une haute clôture – un endroit réservé aux enfants trop méchants pour qu'on les laisse dans leur « foyer » avec une minuscule… »

Ce roman, le premier de l'auteure, est bien écrit, les phrases sont percutantes, incisives (comme les actes des protagonistes), précises et il va rester longtemps dans ma mémoire car c'est un uppercut et c'est assez difficile de traduire en mots, toutes les émotions qui m'ont envahie. Vous l'aurez certainement compris, je pourrais en parler pendant des heures. J'espère vous avoir donné envie de le lire malgré la dureté du vécu de cette petite fille car ce livre est particulièrement réussi.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les Escales qui m'ont permis de découvrir ce roman et la plume de son auteure qu'on retrouvera bientôt j'espère.

#LePremierJourduprintemps #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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