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Critique de motspourmots


Il y a des livres qui vous cueillent dès les premiers mots et qui vous font vivre une expérience qui dépasse le cadre de la lecture ; des phrases qui résonnent de façon singulière, parce que c'est le moment, parce que soudain l'auteur exprime comme par magie toutes les sensations qui vous brûlent à l'intérieur de ne pas pouvoir sortir. Ce n'est pas un hasard s'il s'agit d'un premier roman, une percussion (une de plus) dans le cadre des 68 premières fois tant cette aventure s'avère révéler de nouvelles facettes au fil des années. La nuit introuvable est un petit bijou de finesse, de justesse et d'émotion.

"J'ai regardé ma ridicule petite valise pour voyage en cabine, celle des gens qui ne restent jamais bien longtemps et je me suis demandé comment j'avais pu rapporter autant de chagrin dans un si petit volume (...). J'ai voulu en avoir le coeur net. J'ai fait glisser la fermeture éclair. C'était le vide, tout un chargement de rien qui me tirait sur le bras et m'essoufflait le coeur."

Nathan Weiss promène sa quarantaine désenchantée entre Paris et la Slovénie où il a accepté un poste à la mort de son père dont il était très proche, contrairement à sa mère, Marthe, qui a toujours entretenu une distance un peu froide entre eux. Nathan est ainsi très contrarié lorsqu'une amie de sa mère qu'il ne connait pas lui demande de venir voir Marthe et lui annonce que celle-ci, atteinte de la maladie d'Alzheiner a laissé huit lettres pour lui et qu'elle est chargée de lui en remettre une lors de chacune de ses visites. Tenu de jouer le jeu, bien que très réticent, Nathan va peu à peu découvrir ce que sa mère tient à lui dire avant d'en être définitivement empêchée ; elle lui livre sa mémoire, ses souvenirs et un éclairage précieux sur leur relation.

A travers ces lettres, Marthe se dévoile d'une écriture élégante ; d'abord la jeune fille "prisonnière" d'une mère nécessitant une assistance permanente, puis la femme amoureuse, magnifiquement amoureuse et le couple fusionnel qu'elle formait avec Jacques... Et puis les failles, les drames qui éclairent son impossibilité à laisser parler son amour maternel. Et le coeur se serre, face à ces témoignages poignants, si sincères et face à cette course contre la montre puisque la mémoire passe de l'un à l'autre, que la connaissance du passé nourrit peu à peu Nathan, comble ses vides tandis qu'elle s'évapore du cerveau de Marthe.

Il y a des pages et des moments sublimes dans ce livre. La rencontre de Marthe et Jacques racontée dans la lettre N°4, qui ne pourra que séduire les amoureux de la littérature. Et puis la page 115. Ces mots qui disent le désarroi face à l'absence de l'être aimé, ces mots qui disent si bien l'indicible face à la perte...

"On n'a pas idée de ce que c'est qu'une chemise sans les épaules de l'homme qu'on aime. On n'a pas idée du monde infiniment plat et chiffonné, roulé en boule, qui reste quand l'autre déserte la vie, quand son corps est soustrait aux étoffes et aux caresses. L'existence n'a plus d'odeur. On marche le ventre en creux, encore et encore (...). On arrose quand même les fleurs une fois par semaine parce qu'elles n'y sont pour rien et que le monde est assez fané comme ça. (...)"

Tout est beau et élégant dans ce livre, l'écriture, la couverture. Je l'ai terminé sous le charme et dans l'émotion la plus totale, le ventre noué par les derniers mots. C'était un exemplaire qui circulait entre nous, j'ai eu du mal à m'en séparer et je n'ai qu'une hâte, m'en procurer un pour moi toute seule (il sort aujourd'hui) et me replonger dans ces mots si justes et si sensibles. Un très beau coup de coeur !
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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