J'étais curieux de prendre la mesure de l'écriture de
David Turgeon, j'étais curieux de le lire et de plonger dans son univers, de m'asseoir
Simone au travail en main et de me laisser emporter vers ailleurs. Ses mots font images, la forme de son discours se dessine devant moi et des représentations s'esquissent sur un écran virtuel et mental. Et puis, une phrase vient confirmer ce sentiment figuré:
«Sur le sol parsemé d'aiguilles elle recensa quelques mégots de cigarette, ainsi qu'un bout de papier déchiré, vestige sans doute de l'étiquette d'une boîte de conserve; au verso elle déchiffra, manuscrit, le nom d'un navire qui ne lui dit rien.»[D.T.]
Voilà ce que je ressentais à ma lecture, ce que je lis est en fait la mise en mots d'une bande dessinée utilisant la ligne claire, celle qu'
Hergé utilise lorsqu'il parle du Karaboudjan, une bande dessinée dont les décors auraient pu être adroitement construits par
E.P. Jacobs et qui montrent une ville, Bruant, appartenant à un état ayant autant d'existence que la Syldavie ou la Poldévie où Nicolas Bourbaki professait naguère, une BD d'aventures où les différents moments forts s'étalent sur quelques pages et tendent vers des noeuds dramatiques à saveur d'espionnage et d'exotisme. J'y ai totalement adhéré à ce monde bédéesque où la planète de l'art côtoie sans s'en rendre compte un univers de complot et de conspiration qui s'étalent de Bruant à Port-Merveille. Ces cases, ces vignettes, qui s'organisent en planches sur un écran quelque part derrière ma tête, ne sont que des avatars de ma lecture. Si j'ai trouvé quelques indices dans le texte pour susciter cette matérialisation, cela est sûrement attribuable au pouvoir d'évocation que
Turgeon inscrit si merveilleusement dans ses mots et ses phrases.
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