Elle finit par sombrer dans le sommeil, seulement pour être réveillée par son bipeur au milieu de la nuit. La tonalité stridente aurait effrayé n'importe quel chat normal; Macavity, lui, se contenta d'observer sa maîtresse sans sourciller depuis l'oreiller voisin. Son regard sardonique semblait dire: Tu fais vraiment un boulot de con - un sentiment qu'à cet instant, Cassie ne pouvait certes pas contester.
Si le terme « condoléances » peut sem- bler compassé et vide de sens, Cassie se rappelait souvent qu'il dérivait du très beau verbe latin condolere: souffrir avec l'autre.
Il secoua la tête et se détourna, mais elle avait eu le temps de repérer un détail perturbant : l'éclat de larmes dans ses yeux.
Dès son premier jour de travail à la morgue, cinq ans plus tôt, Cassie avait trouvé tout naturel de parler aux défunts dont elle avait la charge, de les traiter comme s’ils étaient toujours en vie, toujours des personnes.
Et de temps à autre, il leur arrivait de lui répondre.
Ce n’était pas comme quand un vivant parlait - déjà, leurs lèvres ne remuaient pas -, et l’instant était toujours si fugace qu’elle aurait presque pu se l’être imaginé. Presque. La plupart du temps, ils posaient une question du style Où est-ce que je suis ? Ou Qu’est-ce qui m’est arrivé ?, simple reflet de leur perplexité à se trouver dans ce lieu étrange. Mais parfois, Cassie était convaincue que leurs propos contenaient un indice sur la cause de leur décès.
La jeune femme n’avait jamais raconté à quiconque ces « conversations » : on la trouvait assez bizarre comme ça. Cependant, les autres ignoraient ce qu’elle avait au fond de ses tripes : les morts parlent - pourvu qu’on sache les écouter.
Cassie lui dit tout ce qu'il fallait pour la rassurer, mais si son travail lui avait appris quelque chose, c'est qu'il n'existe aucune parole capable d'apaiser les regrets des vivants envers les morts.
Un cadavre peut faire l'effet d'une valise vide.
Quand une personne que tu aimes disparait, elle reste toujours avec toi.