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Critique de Tachan


Heureusement qu'on a des éditeurs comme BlackBox pour nous sortir quelques vieux titres de derrière les fagots qui valent le coup. Alors oui, c'est parfois la croix et la bannière pour se les procurer quand on ne veut pas passer par leur site, mais la qualité est au rendez-vous.

Grâce à eux, je découvre Yoshimi Uchida, une autrice de shojo qui a débuté dans les années 70 dans le Ribon et qui a rapidement évolué, puisque dix ans plus tard, nous la retrouvons avec Liddell dans le Bouquet pour un titre bien moins formaté que ceux de son premier magazine.

Le style de Yoshimi Uchida est assez singulier. J'ai eu l'impression de me retrouver dans un titre très "arty", avec ce dessin limite froid et figé, un peu à la Fuyumi Soryo actuellement. Elle propose également beaucoup de références artistiques : littéraires, picturales, stylistiques, ce qui rend le titre un peu à part par rapport aux shojo qu'on a l'habitude de lire.

Liddell est un titre qui se déroule aux Etats-Unis, plus particulièrement dans la ville de Chicago. On y suit un groupe d'amis légèrement bobo sur les bords dans leur quotidien. Cependant le premier que l'on rencontre, Hugh est hanté par un drôle de rêve qu'il fait sans cesse et qu'il ne parvient pas à expliquer. Son ami très proche, Vladimir va s'y intéresser de près et mener l'enquête, ce qui va le mener sur les rives de la psychanalyse mais aussi du spiritisme et de l'ésotérisme.

J'ai beaucoup aimé le cadre américain de l'histoire, qui dépaysait totalement et m'a rappelé un titre comme America de Keiko Ichiguchi qui avait été un vrai coup de coeur à l'époque. C'est agréable de découvrir la vie à Chicago à travers de ce groupe d'amis artistes ou du moins intéressés par l'art au sens large. Chicago est rarement représentée dans mes lectures et son côté ville froide agitée par les vents avec le Lac Michigan à côté correspond bien à l'histoire.

Les interactions entre ces derniers sont d'ailleurs aussi l'un des points forts du titre. Individuellement, ils peuvent tous sembler un peu froid et déconnecté, mais ensemble, ils forment un beau groupe où ils savent pouvoir compter les uns sur les autres. Il y a également à chaque une bonne ambiance faite de vannes et de camaraderie. Vladimir est tout de même celui qu'on suit le plus car il semble obsédé par le bien être de son ami Hugh avec toute la singularité que ça revêt.

Mais ce qui fait le fond de l'histoire, c'est l'insertion progressive de ce nuage fantastique qui plane au dessus de Hugh. On sent que cela prend de plus en plus de place dans l'histoire au fur et à mesure que chacun s'interroge sur ce rêve et sa réalité. Ça parle ainsi de Freud, de psychanalyse, mais aussi de mysticisme et d'ésotérisme. Hugh devient peu à peu un personnage de plus en plus mystérieux à travers les yeux de ses amis qui cherchent à l'aider mais ne le comprennent pas. Vlamidir est également très singulier lui aussi avec son côté riche oisif, tandis que Vi, elle, fait plus réelle en quelque sorte avec ses problèmes amoureux et de boulot. C'est un étrange mélange que ces trois-là.

Ce premier tome ne fait que lentement démarrer l'histoire. On y découvre le fameux rêve. le réel et le rêve se mêlent vraiment peu à peu très lentement, le réel prédominant encore, mais on sent combien le rêve commence à peser dessus. On y fait également la rencontre de chacun des amis de Hugh qui auront sûrement un rôle par la suite. C'est une ambiance singulière dans laquelle on nous plonge à laquelle il faut adhérer car la narration n'a pas vraiment de tension et est plutôt plate.

Les dessins de Yoshimi Uchida est magnifiques. Elle a un style très occidental avec ces visages ciselés aux petits yeux bien loin des canons habituels des shojos. J'aime beaucoup. Ses cases sont très riches et elle aime jouer sur le cadre qui les entoure. Elle a parfois des compositions qui viennent brutalement casser les codes normatifs qu'elle a mis en place depuis le début pour mieux appuyer un basculement fort de l'histoire. C'est excellent. J'ai beaucoup aimé le soin qu'elle a apporté à ses décors qui ont un rôle important dans l'histoire pour se situer dans cet espace-temps si flou qu'elle met en place progressivement. C'est une vraie petite pépite et je suis bluffée de me dire que ça date des années 80.

BlackBox m'a même régalée avec une bien belle édition, au papier épais avec pages couleurs, nombreuses notes explicatives pas envahissantes pour une fois et petits écrits pour contextualiser l'autrice à la fin du volume. J'aurais peut-être aimé un peu plus de textes de ce côté-là.

Liddell fut dont une découverte singulière mais riche. J'aime les récits fantastiques mais je n'ai pas souvent l'occasion d'en croiser dans les lectures graphiques, du moins autre que celles liées à l'imaginaire asiatique et ça fait du bien. Ici, c'est un fantastique à l'occidental où toute l'étrangeté repose sur le flou des limites entre l'espace et le temps, le rêve et le réel. J'ai beaucoup aimé, ce fut une vraie expérience. Il me manque juste un petit attachement émotionnel vis-à-vis des personnages mais ça devrait venir. En tout cas, rien que pour l'expérience et la découverte de cette autrice, je remercie vraiment BlackBox.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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