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Critique de IrishStew


L'album raconte l'histoire d'un petit nuage totalement indépendant, libre de faire ce qu'il veut, quand il veut et où il veut. Sa joie de vivre fait qu'il se refuse à pleuvoir sur nous, là où les autres nuages gris se défoulent totalement. A propos de pluie, vous remarquerez que la pluie dominicale est pratiquement systématique: à croire que non seulement le dimanche est un jour pourri en soi parce que le lendemain on retourne au bureau ou à l'école ou à la fac, mais en plus il fait un temps pourri. Bonjour la dépression! Je ferme la parenthèse.
Le nuage bleu se plaît dans la liberté. Un jour, il découvre de lourds nuages noirs se profilant à l'horizon. Il va voir et constate avec horreur que ce sont les fumées, vapeurs d'une ville enflammée, ville dans laquelle on s'entretue pour des différences de couleur de peau. le nuage bleu se laisse donc pleuvoir, éteignant l'incendie et mettant un terme au conflit: tout le monde est bleu, et tout est revenu comme avant. Tout va de nouveau pour le mieux dans le meilleure au monde.
Comment expliquer de façon simple et efficace l'absurdité de la haine raciale et de la guerre?
Encore une fois, Tomi Ungerer montre sa capacité à aborder un sujet grave dont la logique échappe à tout le monde, et ce avec beaucoup de poésie et de légèreté. La notion de la différence est au centre de cet album. Cela commence évidemment par le personnage éponyme, qui de part sa couleur et sa joie de vivre se différence de la masse. D'ailleurs, la couverture de l'album est assez explicite: le nuage bleu flotte au-dessus des autres nuages dessinés sous la forme de moutons... ça veut tout dire! La différence est un concept assez difficile à manier, à comprendre, et le faire comprendre aux enfants n'est pas chose aisée: on leur explique que la différence n'est pas une tare et qu'il faut savoir se démarquer du reste de la société, rechercher sa personnalité (le nuage bleu), et en même temps, quand ils se demandent pourquoi les hommes s'entretuent, on leur explique que c'est parce qu'ils sont différents (les nuages noirs, la ville en feu). C'est assez paradoxal! Lorsque le nuage bleu pleut sur les gens et les rend de la même couleur que lui, il figure une idée utopiste: que nous soyons tous égaux, qu'on ne puisse pas se discerner l'un de l'autre et ainsi éviter la guerre. Ca part d'un bon sentiment, mais ce genre d'utopie est sujet à des dérives plus ou moins extrémistes: "soit tu nous ressembles, soit tu dégages!" Dans toute utopie qui se respecte, on fait porter la responsabilité d'un régime instable par ceux qui sont différents, qui veulent se différencier. Ce qui explique qu'aujourd'hui, les arabes, les homosexuels par exemple sont considérés comme responsables de la décadence dans laquelle le monde s'est jeté, parce que la morale chrétienne, qui est encore trop profondément ancré dans nos sociétés occidentales, nous interdit de considérer l'individu non pas comme un semblable, c'est-à-dire purement biologique (on a tous deux yeux, deux bras, deux oreilles, des cheveux, des poils sous les aisselles, des champignons entre les orteils...), mais comme appartenant à une communauté spécifique. Et c'est l'étiquette que nos osons coller sur les individus qui est responsable des maux dont souffre nos sociétés. Ce sont ceux qui voudraient que l'on soit tous pareils (les nuages qui ressemblent à des moutons, les nuages noirs symbolisant la guerre et les haines engendrées par les différences) qui sont réellement responsables du mal-être social. La conclusion du Nuage bleu laisse présager une société utopique, en paix perpétuelle. Dans ce contexte, oui, ça marcherait. Mais il suffit que la société "bleue" entre en contact avec une société différente pour qu'on puisse imaginer le pire. Heureusement, Tomi Ungerer ne va pas jusque là. La peur de la différence est un mal intarissable, mais en prendre conscience est, selon moi, une façon de combattre ce mal. Comprendre que ce qui fait la richesse d'une société, ce n'est pas l'homogénéité, mais au contraire l'hétérogénéité.
Lien : http://lesjeuneslettres.blog..
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