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Critique de PedroPanRabbit


Certains l'auront peut-être compris : sans jamais la nommer, cet ouvrage et les questionnements de Marjolijn van Heemstra s'inscrivent dans la droite lignée de la réflexion sur la psychogénéalogie. En effet, de nombreuses interrogations et plusieurs théories sur l'histoire qu'on hérite et sur le besoin de déconstruire les mythes familiaux évoquent fortement cette discipline, offrant peut-être à travers le roman une de ses meilleures illustrations. L'héroïne du livre, auto-projection de l'auteure, se trouve au moment pivot du présent, entre le passé de cet oncle prétendu héros de guerre et le futur de son fils qu'on l'a préparée à identifier à cet homme depuis son plus jeune âge.

Mais, par âme romanesque ou par doute, la jeune femme veut s'assurer qu'il n'y a pas une histoire derrière l'histoire et, qu'à l'instar de ce cadeau de St Nicolas de 1946 dissimulant une bombe, la jolie légende du héros de guerre qui fait la fierté de la famille n'est pas une illusion d'optique destinée à dissimuler une vérité plus sombre. Les recherches et découvertes en ce sens viennent rappeler les fondements de la réflexion sur le transgénérationnel : le besoin de toujours recontextualiser les faits passés pour mieux comprendre les gestes des hommes, resituer leurs actes et sans cesse les requestionner. Très vite, le récit lisse raconté depuis des années cède à la place à un enchevêtrement d'événements plus complexes, pris dans le manichéisme des différentes perceptions.

A cette enquête intime qui plonge dans le milieu de la résistance et confronte à ce que l'on considérait à l'époque comme des actes de bravoure et non plus des crimes, s'ajoute une véritable course contre la montre : celle de la grossesse de la narratrice. Au fur et à mesure des chapitres qui font le décompte des semaines, le besoin d'en savoir plus devient prégnant. Il nous dévore autant qu'il dévore Marjolijn, car on sait que la nature, elle, n'attendra pas. Il faut connaître la vérité avant l'arrivée du bébé. Mais quelle vérité, finalement? Celle qu'on craint d'apprendre, ou celle qu'on aimerait entendre?

A cette question qui nous obsède autant que la quête elle-même, Marjolijn van Heemstra répond à la fois sur le fond et sur la forme. D'une plume magnifiée par ses talents de poète douée pour la métaphore, elle se permet en guise de conclusion une ultime mise en abîme, qui nous éclaire soudainement, comme le claquement de doigts de l'hypnotiseur : le travail de l'auteur qui embellit la réalité pour en faire un roman n'est peut-être pas plus honorable que celui d'une famille qui ennoblit sa propre histoire pour sa tranquillité d'âme...

En bref : le prénom de mon oncle est une véritable pépite, un coup de coeur. Drame familial intimiste et complexe, porté par la plume talentueuse de son auteure, ce roman inspiré de l'histoire familiale et personnelle de Marjolijn van Heemstra s'inscrit dans l'optique de la réflexion sur la psychogénéalogie. Il vient ainsi rappeler l'importance de s'interroger sur la construction des mythes familiaux et sur leur portée véritable. Intelligent, violent, et touchant à la fois.
Lien : https://books-tea-pie.blogsp..
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