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Critique de Tempsdelecture


Marjolijn van Heemstra, notre autrice, est une toute jeune romancière, dont l'expérience littéraire relevait davantage de la mise en scène théatrale.  Ce roman est ainsi le second qu'elle ait écrit après le premier "De laatste Aedema" publié en 2012 et encore non traduit en français à ce jour. Ses influences dramatiques se remarquent incontestablement à travers le découpage, très morcelé, assez inédit du roman: Marjolijn étant enceinte, chaque chapitre correspond à une semaine de grossesse de la jeune femme à partir du moment ou la question du prénom du bébé se pose sérieusement avec son compagnon D. Ce compte à rebours est doublement symbolique car il mène à la fois à cette double échéance qu'est la naissance de son enfant et la révélation sur la réelle nature du personnage de Frans. 

Ainsi la romancière use de beaucoup de flash-back pour remonter les fils de l'histoire qui vont mener non seulement à réellement découvrir l'identité de ce renommé aïeul, qui porte les blasons de la famille à travers une gloire dont Marjolijn se rend compte que personne ne sait vraiment si elle avérée. 

Cette grossesse représente ici ce moment particulier dans la vie de parents, qui concentre à la fois passé et future et finalement qui pose la question fondamentale de l'héritage familiale. Un moment de remise en question de sa propre personne, de la mission de transmission qu'elle s'octroie, puisque partageant son corps avec cette esquisse d'être humain qui croît en elle, c'est un moment de grand chamboulement intime qui inévitablement entraîne une remise en question plus général. Il y a des moments dans notre histoire ou le besoin de connaître plus profondément ses racines et le fait de porter un enfant constitue l'un de ces moments particuliers. 

Tout réside dans ce petit bijou mystérieux, cette bague, sensée constitué ce lien entre des générations séparées par quelques dizaines d'années, par la volonté de cet oncle connu pour son acte de bravoure durant la seconde guerre mondiale. Liée malgré elle à une promesse dont elle n'est aucunement dépositaire, cette recherche de la vérité qu'entame la trentenaire la conduit peu à peu à tisser un lien avec l'enfant qu'elle porte et à construire des liens avec lui, ce que cette première grossesse, malgré tout, a bien du mal à concrétiser. Marjolijn se pose beaucoup de questions, et il me semble que cette question du prénom ne fait que cacher les doutes qui l'assaillent justement comme ils assaillent toute future mère, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'un premier enfant. Dans son incapacité présumée à aimer celui qui se cache en elle, on ressent pourtant bien tout le contraire de cet aveu. Son rôle de mère qu'elle prend soin de préparer soigneusement en s'assurant du bon choix du prénom que son fils porterait comme un heureux hommage ou, bien au contraire, une malédiction maudite. Comme dans ces tragédies ou les héros subissent les malédictions familiales. 

Puisqu'il est question de Frans Julius Johan, ce grand-oncle, que tout à chacun se plait à célébrer le souvenir au nom de faits aux origines troubles et dont toute la véracité ne repose que sur une mémoire collective peu fiable. Remonter ces soixante ans d'histoire au gré des rencontres de celles et ceux qui détiennent une part de vérité du personnage constitue à mon sens un des points forts du roman. le côté historique du récit qui nous plonge en pleine seconde guerre mondiale dans ce pays, finalement pas si éloigné du notre mais que l'on évoque peu, voir pas du tout soyons franc, est positivement passionnant. Mon choix s'est porté sur ce livre en grande partie pour cet aspect-ci du récit, qui a le mérite de nous apporter un autre éclairage que le notre sur la question de la résistance par le biais de l'existence de ce "cousin à la bombe"

Observer Marjolijn se dépatouiller entre un souvenir qui ne demanderait qu'à rester tel quel, continuant à combler l'ego de cette famille et une vérité plus dérangeante, qui a finalement une autre saveur, jusqu'à l'acceptation finale constitue toute la valeur de ce roman. Lequel l'air de rien, sur les airs d'une simple histoire familiale, se révèle être bien plus profond qu'il n'y parait. 
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