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Critique de Francinemv


« Les familles heureuses se ressemblent toutes; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon ». Cet incipit d'Anna Karénine pourrait très bien s'appliquer à la famille de son illustre auteur qui connut son lot de bonheurs et de malheurs. Dans Léon & Sofia Tolstoï qui vient de paraître chez Futuropolis, Chantal van den Heuvel et Henrik Rehr retracent la vie du célèbre écrivain en l'abordant sous l'angle de ses rapports avec sa femme Sofia. Biographie certes mais qui se lit comme un roman au vu de ces deux êtres passionnés et passionnants qui se sont beaucoup aimés et déchirés. Je t'aime moi non plus.

Octobre 1910. L'album s'ouvre sur une énième dispute, la dispute de trop, celle qui causera le départ en catimini au petit matin de Léon à 82 ans au bout de 48 ans de mariage. Après avoir croisé et chassé des inopportuns qui ces derniers temps envahissent lasnaïa Poliana, le vaste domaine des Tolstoï situé dans la campagne au sud de Moscou, Sofia, hors d'elle, pénètre, une feuille à la main dans l'atelier où son époux s'adonne à des travaux de réparation. Ce document découvert dans un tiroir suite à une fouille méticuleuse n'est autre qu'un testament consignant la cessation des droits d'auteur de Tolstoï au profit du peuple russe. Ayant toujours mis sa famille au-dessus de tout, ne pouvant accepter que les siens soient spoliés, elle est la lionne qui défend ses petits. le ton monte, les noms d'oiseaux fusent, l'incompréhension est totale. le marteau est là, à portée de main … quand Léon tombe aux genoux de sa femme : «Pardon ! Pardon, Sofia Andreïevna, Je vais partir avant l'un de nous deux ne détruise l'autre pour de bon. » La rupture est consommée. Elle tentera de le retenir. En vain. Dès potron-minet, accompagné de son médecin, Léon prend le train, direction un couvent où vit sa soeur avant de rejoindre le Caucase, région dont il garde un excellent souvenir de jeunesse. C'est dans un modeste wagon 3ème classe, parmi ces gens du peuple auxquels il aspire à ressembler, que ce géant de la littérature russe va commencer à raconter son histoire faisant du docteur, et à travers lui, du lecteur, son interlocuteur. Il n'atteindra pas le Caucase. Après avoir quitté le couvent, il sera emporté par une pneumonie en novembre 1910 dans la maison du chef de gare d'Astapovo, au sud-est de Moscou.

Tout au long de sa vie, du dandy hédoniste de sa jeunesse au gourou prônant le dépouillement, la chasteté, la non-violence, adepte du végétarisme de ses vieux jours, il sera hanté par le néant et toujours en quête du sens de l'existence, à la recherche de la baguette verte sur laquelle son frère Nicolas a gravé le secret qui rendra tous les hommes heureux. La mort de ses parents alors qu'il n'était qu'un enfant ainsi que celle plus tard de ses deux frères, le souvenir des morts de la bataille de Sébastopol à laquelle il a participé y sont sûrement pour quelque chose.
Quant à ses rapports avec Sofia, fille d'un médecin du Kremlin … Elle aimait Moscou, lui ne jurait que par la campagne. Les premières années furent sereines et prolifiques avec l'écriture et la parution de Guerre et Paix et Anna Karénine. Tolstoï, n'écrira-t-il pas dans son journal: « J'ai vécu jusqu'à 34 ans sans savoir qu'on pouvait aimer autant et être aussi heureux.» Cependant, la très belle couverture de l'album représentant le couple jeune sur fond de domaine campagnard laisse présager la rupture à venir. Alors que Sofia nous regarde bien en face, le regard de Léon est absent et fuit vers le lointain. Cela fait résonance avec la dernière photo du couple Tolstoï prise peu de temps avant la mort de l'écrivain sur laquelle on peut voir Sofia penchée vers son époux qui demeure droit et distant.

La narration
L'autrice Chantal van den Heuvel a plusieurs cordes à son arc. Journaliste belge, outre les scénarios de bande dessinée, elle a également écrit pour le cinéma et la télévision, publié un roman et des contes pour enfant.
Doté d'un souffle romanesque, le récit richement documenté est passionnant tout en faisant preuve d'une grande clarté. le choix narratif de Léon racontant son histoire dans un train n'est pas anodin. Ce procédé maintes fois utilisé qui pourrait paraître éculé au premier abord fait en réalité subtilement écho à un autre récit, celui de la confession lors d'un voyage en train, d'un aristocrate russe qui s'avoue le meurtrier de sa femme dans la Sonate à Kreutzer, nouvelle profondément misogyne contre le mariage, « prostitution légalisée » publiée en 1889. Sofia en fut profondément blessée et répondit par roman interposé A qui la faute? «Ce récit me portait une blessure directe, me rabaissait aux yeux du monde entier et détruisait les restes de notre amour mutuel», écrira-t-elle dans son journal.[...]
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