J'arrive toujours à me convaincre que ce que je fais est la meilleure solution. En réalité, je crois surtout que je n'en fais qu'à ma tête.
Arthur aime beaucoup expliquer aux gens comment se passe la vie au Cambodge. Il me dit que les bars sont bourrés de putes, que les rues sont bourrées de pauvres, que les routes sont bourrées d'accidents et que les touristes sont bourrés tout court.
La vraie vie ne tolère pas qu'on écarte d'un revers de la main les problèmes, les coups durs et les traumatismes. La vraie vie nous fout des crochets du gauche dans l'estomac, nous balance des uppercuts à nous enfoncer le menton dans le crâne, elle nous tape dessus, elle insiste sur nos blessures mal refermées, elle rouvre les cicatrices et enfonce malignemenet ses ongles dans nos plaies ouvertes, jusqu'à nous vaincre par K.O. On n'a pas droit au temps mort dans la vraie vie, il n'y a pas d'arbritre qui décide pour nous si on est autorisé à reprendre son souffle, à s'asperger d'eau fraîche ou à entendre les encouragements de son coach. C'est un match continuel et injuste, un remake de David contre Goliath avec une fin malheureuse.
Le "grand saut" ne serait en fait qu'un détail, l'aboutissement d'années et d'années de petits sauts, des préparatifs. La pendaison, cet acte si violent et si glauque, si répulsif qu'il a fini par être interdit, refusé par la société, ne serait que le point final. La dernière chose à faire mourir, c'est le corps, mais le reste est mort depuis longtemps.
Le cinéma, c'est la vie mais en mieux, ou en différent, c'est celle qu'on s'imagine ou dont on rêve, voire celle qu'on craint, ce n'est jamais le trajet pour aller vider ses poubelles ni les rendez-vous avec le conseiller Pôle emploi.
En rentrant je fais défiler ma page de nouvelles Facebook, divers statuts s’enchaînent. Marine, qui était dans ma classe en 5èm, et de fait tout naturellement mon amie Facebook aujourd'hui, a changé sa photo de profil et tous ses amies la complimentent sur ce qui semble être sa plus grande réussite sociale: être bonne.
C'est con comme, souvent, la personne qui nous fait souffrir le plus, c'est aussi la personne vers qui on se tourne quand on est au fond du trou.
Seul le temps peut faire passer la douleur. Encore faut-il accepter de laisser le temps faire son oeuvre : le plus difficile est de s'accorder à soi-même la paix de l'âme.
Je ne sais pas si le temps fait passer quoi que ce soit, mais les mojitos font en tout cas très bien passer le temps.
La vraie vie, c'est ce décalage aberrant entre le drame d'une situation et la banalité du quotidien qui continue son chemin, impassible, autour de nous. Le contrôleur contrôle, le mendiant mendie, le Parisien parisie.