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Critique de isabellelemest


Ce dernier roman de l'auteur du Nobel de littérature et d'une oeuvre multiple se situe au Pérou, son pays natal, et en évoque la société agitée par la corruption, la cupidité et les scandales, où seuls résistent quelques âmes bien trempées ou certains esthètes à la conscience morale solide comme Don Rigoberto, un héros récurrent de Vargas Llosa.

Deux intrigues s'entrecroisent : à Piura, dans le nord du pays, l'honnête propriétaire d'une compagnie de transports, Felicito Yanaqué, d'origine indienne, un "cholo" qui s'est fait lui-même, est l'objet d'un racket de la part de mystérieux maîtres chanteurs, auteurs de lettres anonymes, signées d'une petite araignée. Mais il décide de ne pas céder, quoi qu'il puisse lui en coûter, incendie de ses bureaux, menaces, enlèvement...
À Lima, Ismael Carrera, le propriétaire octogénaire mais toujours vert d'une grande compagnie d'assurances, vient de se marier avec sa jeune gouvernante, dans le but avoué de déshériter ses fils, de véritables hyènes qui souhaitaient sa mort pour pouvoir hériter. Il a demandé à Don Rigoberto, son juriste, d'être son témoin et il l'a entraîné de ce fait dans des tracas sans fin.

Les chapitres traitant des deux intrigues sont habilement alternés, ménageant suspense et péripéties. Ces entrepreneurs sont tous deux en proie au démon de midi et Felicito entretient une maîtresse, tandis qu'Ismael épouse la sienne. Tous deux ont fort à se plaindre de leurs fils, des bons à rien fainéants, seulement intéressés par la débauche et l'argent. Tous deux sont victimes de la presse et des médias avides de scandales qui vont répercuter leurs mésaventures sur toutes les chaînes de télévision, les journaux, les réseaux sociaux. Rigoberto lui-même voit sa vie tranquille bouleversée par toutes ces menaces.
Nous assistons en quelque sorte à la lutte du bien contre le mal, les vieux entrepreneurs incarnant le premier tandis que les fils dégénérés ou illégitimes représentent le second.

Bien sûr le roman n'est pas si schématiquement construit et il ménage toutes sortes de situations à rebondissements et de dialogues merveilleusement ironiques et magistraux.
La lecture en est plaisante et captivante, les ambiences péruviennes, notamment celles de la provinciale Piura surchauffée en été et de sa vie mouvementée et colorée, de ses habitants pittoresques, mendiants, petites gens, policiers paresseux et méprisants, est évoquée avec talent.

Toutefois le livre refermé, un certain malaise persiste, car les fils (hormis l'angélique adolescent Fonfon, aux visions étranges et non élucidées) sont la lie de la terre, alors que les pères sont des modèles de vertu et de courage (nonobstant leur penchant pour la chair fraîche). Ce constat ne traduit-il pas un étrange manque de générosité, et l'échec d'une éducation donnée peut-être par des pères trop égoïstes ? Quant au regard sur les femmes, il n'échappe pas à un certain machisme, malgré toutes les qualités de Doña Lucrecia, l'épouse de Rigoberto. Même la culture ne semble accessible qu'à ceux qui peuvent se la payer, livres coûteux, chaînes HiFi, voyages de luxe à l'étranger... Il est plus question de posséder que de ressentir...

Tout cela n'enlève rien aux qualités du roman mais dessine en creux un portrait de l'auteur moins sympathique qu'on ne le souhaiterait.
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