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Critique de BazaR


BazaR
02 septembre 2014
Qu'est-ce que je fiche ici moi ?
Je décide enfin d'écrire mon avis sur un polar lu pendant les vacances et me voilà catapulté dans une brasserie tonitruante, assis à une table en compagnie d'une bande d'énergumènes qui me scannent du regard.
« Content que vous ayez pu venir, me dit le gars assis en face de moi. Je suis le commissaire Adamsberg ».
J'ai un petit vertige évidemment. Un verre est placé devant moi. Je le vide cul-sec ; manque de m'étouffer. le grand type assis à ma gauche me flanque des coups de battoir dans le dos. Je récupère.
Je zieute autour de moi. Je dois être au Viking, le bar qui sert de QG à Adamsberg dans le polar. Celui-ci ressemble tout à fait à l'image que je m'en étais fait (normal, c'est moi qui raconte). A sa droite le type gras et collet monté à sa droite doit être l'adjoint Danglard, le vieil érudit qui a amené une douzaine de vieux bouquins correspond à Décambrais et le gars aux battoirs est évidemment le Guern.
« Je suis content de vous voir, leur dis-je. Mais vous avouerez que la situation est cocasse. »
Adamsberg m'arrête d'un geste de la main. « Il a été porté à notre attention que vous pourriez détenir des informations sur une affaire sérieuse dont je m'occupe.
-- Vous voulez parler des étranges citations que monsieur le Guern ici présent déclame tous les jours au carrefour Edgard Quinet et des quatre inversés que l'on peint partout sur les portes de Paris ? »
Là j'avais fait mon effet. C'est eux qui manquèrent s'étouffer, mais je n'avais pas de battoir sous la main pour les soulager.
« Bien sûr que j'ai des renseignements, continuai-je, je sais tout. Je sais même comment ça va se terminer puisque j'ai lu le bouquin.
-- le bouquin ? demanda Décambrais.
-- Eh bien oui, le bouquin dont vous êtes tous les héros. »
Là je viens de faire mon second effet : passer pour un cinglé. Mais ça n'avait pas l'air d'étonner Adamsberg qui paraissait regarder ses propres pensées en transparence à travers moi.
« Donc pour vous l'histoire qui nous occupe est écrite, et vous savez comment elle se termine. C'est cela ?
-- C'est cela.
-- Donc on ne nous a pas menti. Vous êtes une source d'information primordiale.
-- Mais je ne peux rien vous dire.
-- Pourquoi ?
-- Parce qu'on ne raconte pas la fin d'un livre.
-- C'est une affaire sérieuse, s'énerve Décambrais. Des vies sont peut-être en jeu.
-- Des vies de papier, réponds-je.
-- Et alors ? Ne méritent-elles pas de vivre aussi ? »
En fait je meurs d'envie de déballer l'histoire. La coque du navire prend l'eau et il va y avoir des fuites. Il faut que je lâche quelque chose.
« Si vous voulez je peux vous donner mon sentiment général sur cette histoire. Je suis un peu critique littéraire amateur (là je me vante un max). Je lis peu de polars. C'est un collègue qui m'a dit « si tu aimes les romans où les faits historiques ont une place importante, lis-ça ». Eh bien il avait raison; j'ai passé un bon moment. D'abord parce que c'est original pour moi, ce mélange de serial killer et d'érudition médiévale. La touche historique s'insère bien dans l'aventure et on n'a jamais l'impression que l'auteur cherche seulement à montrer à quel point elle est savante. Et vous autres personnages êtes sacrément hauts en couleur. Si, si ! Il y a presque une facette fantastique du quotidien en chacun de vous. Vous me faites penser aux personnages de Jean-Pierre Jeunet dans « Amélie Poulain » ou « Micmacs à tire-larigot », vous connaissez ?
C'est vous, le Guern, qui êtes mon personnage préféré, dis-je en me tournant vers mon voisin qui me regardait comme si j'étais Moby Dick, vous et votre aïeul fantôme qui vous accompagne, vous et la marée bretonne qui ne vous quitte jamais. Dommage que votre rôle s'amenuise au fil de l'histoire. J'aurais aimé que vous soyez plus… fondamental, plus intrinsèque à l'énigme
-- Je ne sais pas si être « intrinsèque » est une bonne chose… répond-il. Mais c'est gentil… je crois.
-- Et vous commissaire, vous avez vraiment une façon particulière de penser. Danglard ici présent pense probablement que ça tient de la magie. Moi je suis persuadé que votre « intuition » n'est qu'une façon instinctive et particulièrement efficace de manier la logique. Votre algorithme est profondément implanté dans votre subconscient et se passe du formalisme du langage. Vous me faites penser à ces gens qui peuvent effectuer de tête une division de nombres à vingt-sept chiffres en deux demi-secondes. En revanche, je n'apprécie pas tellement votre absence de considération pour vos contemporains. Vous leur faites parfois du mal vous savez, comme à Camille votre amoureuse, et ça ne vous touche jamais. Triste !
-- Cela ne nous aide pas beaucoup, répond l'intéressé avec un froncement de sourcil sévère.
-- Vous vous attendiez à une révélation comme celle que Saint Paul a reçue sur son chemin ? Je vous l'ai dit. Je n'ai pas le droit de jouer à Dieu en vous révélant les aboutissants de votre affaire. Je vous avouerai quand même que la mayonnaise n'a pas entièrement pris. Je ne sais pas trop pourquoi. Probablement parce qu'on reste trop dans le concret contemporain. On ne voyage pas assez dans l'Histoire ou l'Imaginaire qui aident mon sang à circuler. Probablement que cela a aussi un rapport avec le moment et l'endroit où j'ai lu le livre. Bref, je ne sais pas si j'essaierai de vous croiser à nouveau, commissaire. »
Je me lève.
« Malaxez tout ça commissaire. Peut-être que cela vous aidera. Mais en toute sincérité vous n'avez pas besoin de moi pour résoudre cette histoire. »
Tout disparaît. Je me retrouve face à mon ordi.
Pourquoi ne pas taper ce que je viens de rêver ?
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