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Critique de Luniver


En janvier 2015, le parti Syriza, de la gauche radicale, obtient presque la majorité absolue au parlement grec. Après un an et demi d'austérité imposée par le FMI et la troïka pour rembourser ses différentes dettes, le peuple grec a décidé qu'il ne pouvait plus continuer à se serrer la ceinture, pour la bonne et simple raison qu'il avait déjà vendu et abandonné tout ce qu'il pouvait, y compris, d'ailleurs, cette fameuse ceinture.

Yanis Varoufakis accepte alors le poste peu envié de ministre des Finances d'un pays cerné de toute part par des créanciers bien décidés à accentuer encore l'austérité pour récupérer leur mise. Fervent défenseur de la restructuration de la dette grecque, il ne lui faudra rien de moins que faire changer d'avis la majorité des institutions financières internationales pour parvenir à ses fins. Ce livre/témoignage raconte les coulisses de ces négociations, entre discussions de couloir, entretiens privés, tables de restaurant et conversations téléphoniques.

Je ne vais pas prétendre donner des leçons sur ce que la Grèce aurait dû faire ou ne pas faire dans cette histoire. Toutefois, je dois reconnaître que le personnage de Varoufakis a attiré d'emblée ma sympathie : les experts qui prétendent connaître la solution à un problème complexe squattent plutôt les plateaux télévisés ou les studios de radio que les ministères. Voir quelqu'un qui accepte de porter soi-même, et en toute première ligne, les idées qu'il défend est plutôt rafraîchissant.

Les descriptions des réunions européennes, à l'inverse, font plutôt froid dans le dos quand on rêve de démocratie : loin d'être un lieu de débat et un échange de point de vue, on sent plutôt que les décisions ont été prises à l'avance dans des sous-groupes officieux ; chaque camp répète alors ses propositions sur le principe du disque rayé, en comptant sur le fait que son président ou premier ministre aura assez d'influence en coulisse pour faire plier le camp d'en face.

De même, certains personnages biens en vue (Moscovici, ou même Juncker) semblent avoir un rôle purement protocolaire, et placés à des postes « prestigieux » pour satisfaire la vanité de l'un ou l'autre pays membre, mais se voient vertement remis à leur place quand ils osent proposer quelque chose qui s'écarte de la ligne directrice fixée par la poignée d'individus qui prennent les vraies décisions.

Varoufakis se présente sans doute sous un jour avantageux : le nombre de grands économistes et d'hommes politiques a lui déclarer en douce dans un couloir qu'il a raison sur toute la ligne est trop important pour être honnête. Néanmoins, j'aurais plutôt tendance à me fier à sa version des faits en général, car il ne se positionne pas forcément comme un héros, mais décrit toute cette « vieille » politique dont on nous promet souvent la fin prochaine mais qui n'en finit pas de mourir, à base de manoeuvres douteuses (s'accorder sur des propositions à l'oral mais écrire le contraire sur les documents officiels à signer, dire une chose en réunion et son contraire en conférence de presse), de pressions indirectes, de conflits d'intérêt, de corruption, …

Ça fait moins rêver que d'imaginer des Grands Hommes porter le destin de tout un continent sur leurs larges épaules, c'est sûr, mais ça semble, tristement, bien plus réaliste aussi.
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