Une bande dessinée qui laisse perplexe et dont on ne sort pas indemne. Dans la forme, elle s'apparente à une oeuvre pour la jeunesse, et je l'ai prise sans me méfier, m'attendant à des fées, des gnomes et un monde merveilleux. J'avais raison, il y avait bien tout ça. Dans son palais, la princesse Aurore prend le goûter avec son prince charmant, mais tout à coup, les murs coulent et s'effondrent sur eux ! Sur la page suivante, on les voit émerger du cadavre d'une petite fille, allongée dans la forêt. Comment est-elle arrivée là ? On l'ignore.
Ce moment de l'histoire illustre bien le ton de l'album : le merveilleux, le tout beau tout propre n'est qu'une façade. Souvent ce qui est mignon est issu de la fange. Ainsi, les mignons petits personnages évoluent autour du cadavre pourrissant de la fillette dont ils sont issus (certaines images sont même un peu dégueulasses, il faut bien le dire...). L'une d'eux, à qui il manque visiblement une case, pousse même la folie jusqu'à se nourrir du corps en décomposition et des asticots.
Dans cet univers loufoque, les personnages vont s'organiser pour survivre dans la nature autour d'Aurore, la plus dévouée de tous. Privés de l'abri bien chaud du corps de la petite morte, ils devront faire face aux animaux de la forêt, au froid, au manque de nourriture... Et surtout aux tensions que ces conditions de vie ne manquent pas de générer !
Leur cruauté est aveugle. Comme celle d'un enfant qui brise les pattes d'un oiseau. Je me rappelle en particulier le moment où Aurore crève les yeux d'une souris avec ses pouces pour je ne sais plus quelle raison (je crois que c'était parce qu'elle avait mangé ses provisions). En plus d'être cruels comme des enfants, ils sont tout aussi égoïstes : Aurore se démène pour eux et ils ne sont jamais satisfaits. Pire, ils la critiquent et lui tournent le dos dès qu'ils ont une occasion.
Cette bande dessinée a visiblement un sens caché. Quelle est la signification de ces lilliputiens qui s'échappent du corps d'une petite fille morte dans la forêt (sûrement violée ou au moins assassinée par un pervers) ? Représentent-ils ses rêves d'enfant ou son âme innocente ? (Pas si innocente que ça, au final). Autre question spoil : le bûcheron qu'Aurore choisira comme prince charmant à la toute fin du livre est-il celui qui a tué la fillette ? J'en suis persuadée. Ce serait bien en accord avec le ton du livre.
Personnellement, je n'ai pas aimé. C'est dérangeant. En refermant l'album, je me sentais mal, un peu nauséeuse. J'aime bien certaines atmosphères sombres, mais là c'était malsain.
Malgré tout, le scénario est bien fait et les personnages sont travaillés, ils ne sont pas ce qu'ils semblent être. Comme la BD dans son ensemble, en quelque sorte. À ne surtout pas laisser aux enfants !
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