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Critique de Iraultza


Françoise Vergès questionne dans cet essai le traitement des violences sociales, économiques, physiques et sexuelles faites aux femmes pauvres et racisé·es, qui ne sont pas uniquement le résultat de la domination masculine, mais aussi celle d'une violence généralisée produite par les politiques néolibérales d'un État capitaliste, impérialiste et patriarcal, qui se sont aggravées avec la pandémie de COVID19. L'État français se préoccupe seulement des violences que subissent les femmes blanches des classes moyennes et supérieures, et développe – avec le soutien du féminisme carcéral – une politique de protection sécuritaire et punitive qui fragilise les pauvres et les personnes racisé·es.

Cette différence dans la gestion de la protection par l'État provient, nous explique l'autrice, des impacts de l'esclavage et de la colonisation sur la société. Cet héritage impensé crée pour les personnes non-blanches vivant aujourd'hui dans les anciennes puissances coloniales ce que l'historienne britannique Catherine Hall appelle un « environnement hostile ».

Ainsi en France, tout un discours sécuritaire et raciste, qui tire ses origines de lois raciales de la fin du 18ème – début du 19ème siècle visant à limiter la présence et les déplacements de personnes Noir·es en métropole, va se développer à partir des années 1970, pour stigmatiser, surveiller, contrôler, les pauvres, jeunes, immigré·es, étranger·ères vivant dans les quartiers populaires, et présenté·es comme les figures de l'insécurité et de la violence.

Ce discours sécuritaire va impacter également les corps des femmes, en se focalisant sur le port du voile des musulmanes, ou en criminalisant les activités des travailleuses du sexe, souvent pauvres et/ou issues des pays du Sud, et ce au nom de la défense de toute les femmes. Dès lors, il est impossible pour les femmes pauvres, racisées, de se tourner vers l'État et son système pénal (police, justice, prison) pour exiger une protection car il reproduit et accentue les inégalités sociales, de genre et de race.

Dans ce contexte, F.Vergès défend le recours à un féminisme décolonial et antiraciste qui rejette le recours au système pénal et s'oppose au féminisme d'État civilisateur qui « joue le rôle d'idéologie pacificatrice qui vise à briser l'élan de colère des femmes ».

Sur un temps court, il s'agit également d'améliorer la vie des personnes dominé·es, de lutter contre les politiques d'ajustements structurels dans les pays du Sud et la pollution environnementale (exemple du chlordécone dans les Antilles), de défendre les conditions de travail dans les pays du Nord des travailleuses racisées employées dans l'industrie de service (exemple de la grève dans la sous-traitance hôtelière) et de soin qui connaissent des taux de harcèlement racial et sexuel élevé. Mais, nous dit l'autrice, il ne faut pas s'empêcher d'imaginer un avenir au-delà des luttes quotidiennes, et il est urgent d'imaginer le « monde d'après », de penser un « futur post-esclavagiste, raciste, capitaliste, impérialiste, patriarcal » et de créer des utopies de libération, comme peut le faire l'écrivaine africaine-américaine de science-fiction Octavia Butler.

Enfin, face à ce déchaînement de violence de la société néolibérale, F.Vergès défend le droit à une vie paisible, « une politique et une pratique de la solidarité, de l'amour et de l'autodéfense », « une forme de vie qui n'empêche pas le sentiment de colère contre les injustices et le racisme, mais qui développe l'amour de nous-mêmes et l'amour révolutionnaire ».
Lien : https://blogs.mediapart.fr/g..
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