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Critique de batlamb


Au coeur de l'hiver scandinave, deux jeunes filles de 11 ans, Sis et Unn, se rencontrent et se perdent au milieu d'un village isolé et de froides forêts où les craquements des lacs gelés résonnent dans l'obscurité. C'est un joli petit roman qui semble présenter une histoire d'amitié, de deuil et d'apprentissage.

Mais n'y voir que cela reviendrait à ignorer (par inconfort ?) un thème spécifique qui me parait pourtant central. Attention je vais divulgâcher dans les grandes largeurs. Comment faire abstraction de la scène séminale (si l'on peut dire) où Sis et Unn se dévêtissent dans la chambre de cette dernière ? Elles portent l'une sur l'autre un regard fasciné où germe un « désir ». le mot est écrit noir sur blanc. Et c'est bien en raison de ce trouble, de cet émoi, que Unn prend la fuite et va mourir de froid dans ce que les jeunes filles appellent le « palais de glace ». Tout part de là, de ce désir qui s'avère mortifère.

Le « palais des glaces » sera d'ailleurs décrit avec les champs lexicaux de la mort et du désir. Cette cascade gelée (dont le nom lui-même et les couleurs chatoyantes reflètent les fantasmes de l'enfance) constitue le symbole central du roman. Elle saille depuis les flancs de la terre et on y entre par une fente, vers un intérieur suintant. le désir actif de Unn pour Sis se confond avec son désir d'entrer dans ce palais, de l'explorer. Mais son rapport avec le palais ne pourra se concevoir sur un autre plan que celui d'une beauté frigide, qui se referme éternellement sur l'enfant, et se ferme aussi aux hommes lors d'une autre scène très importante, où ces derniers, partis à la recherche d'Unn, se retrouvent pris d'un effroi ontologique devant ce palais dont ils ne trouvent pas l'entrée. Angoisse de l'enfance perdue ou effroi de faire face à une féminité qui les exclut ? le récit mêle habilement ces deux dimensions, saupoudrées d'allusions chrétiennes, notamment cette scène d'assomption où Sis entraperçoit à travers la glace (en croyant rêver) le corps congelé et nimbé de soleil d'Unn, comme purifié. Cela semble apporter un démenti flamboyant aux craintes qu'Unn exprimait de ne pas aller au paradis, à cause de son « secret », dont on aura deviné la nature. de là à déduire que sa mort a évité le péché et préservé la pureté de l'enfance…

Dans le même ordre d'idée, la tante d'Unn délivrera ensuite à Sis un discours incitant cette dernière à oublier Unn, à ne pas finir seule comme elle (la tante), et à se tourner plutôt vers ses camarades, notamment un garçon qui lui fait de l'oeil. Convaincue par ces paroles, Sis acceptera donc de regarder de l'avant au moment où le printemps fait fondre le palais des glaces : la cascade fertile jaillira de nouveau entre ces falaises libérées, les pulsions délétères seront oubliées et Sis pourra devenir une femme accomplie et « guérie » (avec tout ce que ce mot peut sous-entendre).

Bien sûr, il est certain que Vesaas éprouve beaucoup de tendresse (paternaliste ?) pour ses deux héroïnes. Dans l'ensemble, beaucoup est suggéré, car nous avons affaire à une oeuvre littéraire. Vesaas s'exprime donc surtout par images et sensations, via une langue simple et agréable, quoique parfois un peu simplette et répétitive. Nul « message » agressif et militant, juste une vison… qui en dit beaucoup sur le trouble des mentalités en Norvège, à une époque où s'élevait un débat sur la dépénalisation de l'homosexualité.
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