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3,87

sur 289 notes
Les lectures récentes de Jon Fosse et de Karl Ove Knausgaard m'ont donné envie de continuer d'explorer les chefs d'oeuvre de la littérature norvégienne. Mon choix s'est porté sur les livres de Tarjeï Vesaas, nouvelliste poète norvégien du début du 20ème siècle. Parmi ses livres, deux romans semblaient particulièrement ressortir, deux romans d'après-guerre : Les oiseaux et Palais de glace.

Palais de glace, paru en 1963, est une très belle histoire, d'une grande poésie, celle d'une amitié absolue entre deux fillettes de onze ans dans un univers onirique, à la fois très réaliste mais aussi mythique.

«On était encore en plein après-midi, en fait. Pourtant tout était plongé dans la nuit en cette fin d'automne figée par le gel. Des étoiles mais pas de lune, pas de neige susceptible de produire des reflets nacrés – l'obscurité n'en était que plus dense, en dépit des étoiles.»

Unn arrive dans le petit village de sa tante à la fin de l'été. Ayant perdu sa mère, ne connaissant pas son père, la petite orpheline vit désormais chez cette vieille tante qui l'a accueillie.
La nouvelle écolière est particulière et se fait remarquer par la distance et la réserve qu'elle maintient entre elle et les autres enfants de l'école. Pourtant tous se sont efforcés de l'intégrer. Seule Siss n'a pas renoncé, obnubilée par cette fille dont l'inaccessibilité est certainement promesse d'une forte personnalité, voire d'un secret.
Elles finissent par s'inviter et à passer une soirée ensemble. Siss en apprend alors un peu plus sur Unn, dans l'intimité de sa chambre fermée à double tour. Elles se dévoilent, troublées, et tournent autour du mystère qui les attire l'une vers l'autre, mystère seulement effleuré, jamais révélé, contourné, enrobé par le silence et le trouble. Dans tous les cas, l'amitié entre les deux filles est désormais scellée.

Le lendemain de cette soirée importante, Unn décide de ne pas venir à l'école, craignant de gâcher la magie vécue quelques heures auparavant, et préférant retrouver Siss le surlendemain ce qui donnera plus de poids à leur retrouvaille. Elle décide ainsi de faire une grande balade, s'enfonce dans la forêt, remonte la rivière jusqu'à son embouchure où, là, une cascade a permis de former un palais de glace, formation hivernale dont parle toute l'école. Ce palais, aux reflets verts à l'ombre et orangés dès que le soleil y pénètre, s'avère somptueux, tarabiscoté avec ses d'alcôves et ses couloirs, ses goulets, ses dômes glacés au sommet. Unn, de pièce en pièce, va se perdre dans cette merveille labyrinthique. Elle ne reviendra pas, ne rentrera pas chez elle, emmurée.

« le soleil de leva au même moment, oblique et froid. Les rayons transpercèrent la glace, illuminèrent le fond brunâtre, la boue, les pierres, les plantes.
Aux abords de la berge, l'eau était entièrement gelée. Même la vase que recouvrait une pellicule blanche de givre et à laquelle se superposait l'épaisse couche de glace. Incarcérée dans ce bloc de glace, de larges feuilles en forme de sabre, de minces brins d'herbe, des graines, poussières et détritus descendus de la forêt, une fourmi marron aux membres écartés – le tout mélangé à des bulles d'air qui s'étaient formées dans la glace-acier et prenaient l'apparence de perles quand les rayons du soleil les atteignaient. Des galets noirs avaient roulé de la rive pour mieux se fixer dans cette masse, aux côtés de bâtons dépourvus d'écorce. Des fougères à la tige pliée, figées elles aussi, évoquaient des croquis d'une grâce infinie ».


A partir de ce moment, la disparition de la fillette va mobiliser tout le village qui organise le soir même des battues malgré le froid et la nuit. Siss étant la dernière à lui avoir parlé est particulièrement sollicitée dans cette recherche. Mais la fille ne peut révéler ce qu'elles ont partagé dans la chambre.

Alors que Unn est enfermée dans son imposant palais de glace, Siss sera elle enfermée dans le palais immatériel du souvenir, se promettant d'attendre son amie, et ainsi de ne plus se lier à d'autres enfants pour ne pas trahir leur amitié. le silence, le repli sur soi, le rejet est sa manière à elle de refuser de faire le deuil de l'absente…Promesse qui va se révéler de plus en plus lourde à porter au fil des jours et des semaines.


J'ai particulièrement aimé les descriptions de ces paysages hivernaux en froid extrême et figés par le gel. Ce sont des visions envoutantes, angoissantes aussi, lorsque le silence est entrecoupé de craquements qui montrent la progression de la glace.
Par ailleurs, la façon dont l'auteur met en valeur la sensibilité des deux filles, tout en retenue, pudeur, nuances, est d'une grande délicatesse et d'une étonnante singularité. le lecteur doit deviner certains secrets, certains sentiments laissant libre cours à notre propre imagination, à notre propre interprétation. Cela peut être déstabilisant et agaçant, ou au contraire être la clé du charme qui se dégage du livre, selon les lecteurs.

La plume de Tarjeï Vesaas, qui sait saisir les subtiles nuances de la lumière, les transformations progressives du paysage, qui sait capter les plus insaisissables mouvements de l'âme, construit dans tous les cas une dentelle d'une pureté absolue, à l'image de ce palais aussi beau que dangereux, source d'émerveillement, de communion, d'amour, mais aussi de douleur et de mort. Il a une dimension à la fois réaliste et symbolique. Un monument qui d'un palais d'images magnifiques se fait mausolée du souvenir. Aussi beau que mortifère.

Un voyage en terres norvégiennes très dépaysant où l'indicible narré avec élégance et délicatesse, entre en résonance en nous de façon troublante !

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Une magnifique histoire,pleine de magie et de poésie,qui nous vient du froid,d'un auteur norvégien, Vesaas(1897-1970),"le magicien de l'indicible ".
Un conte sur une amitié absolue, scellée en une nuit entre deux fillettes de onze ans, qu'apparemment tout sépare.Une nuit dont elles n'en sortiront pas indemnes.
Dans un paysage de glace ,où "une cascade transformée en sculpture grâce au froid intense" devient un palais, un palais au coeur du roman,où "des joueurs de bois avec leurs instruments", peuplent les bords de route,où "une nuée de créatures noires ondulent au gré de la couche de neige ",dans l'obscurité....se déroule un drame dans un silence absolu. Oui ça fait froid au dos, mais que c'est beau!
Un monde où les petits respectent petits et grands,et les grands respectent grands et petits, un monde où la pudeur est maître ("C'avait été le temps de la neige,le temps de la mort et des chambres fermées-et puis trois fois trop vite,pof on se retrouve de l'autre côté de ce temps,avec de la buée dans les yeux tellement on est contente,tout ça sous prétexte qu'un garçon vous a dit" Toi et tes fossettes, alors."), ...est-ce un monde disparu ou un monde rêvé ?
Qu'importe, Vesaas va droit au coeur de l'enfant en nous.
C'est son deuxième livre que je viens de lire après " Les ponts",que j'avais également beaucoup aimé.Toujours cette même prose, très poétique dans une nature sauvage,celle de son pays , une richesse innouie de détails et de symboles ,le mystère de la vie au-delà des apparences, c'est magistrale,de la grande littérature,que dire de plus.
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Un saule penché sur le ruisseau,
Pleure dans le cristal des eaux
Ses feuilles blanches
Ophélie tressant des guirlandes
Vient présenter comme une offrande
Des fleurs, des branches....

La mort d'Ophélie, Johnny Hallyday, Hamlet (1976)

Histoire de l'attirance
tréfonds de la jeune enfance,
marque d'une certaine insouciance,
ni rebellion, ni défiance
réel manque d'assurance.

promesse solenelle et silences
stalactites, glace, transparence
Interstice à la méfiance
baisse de la vigilance
sonne l'heure de la résilience
et enfin... les vies dansent.

Lecture au coin du feu chez les scandinaves résidences
Sonne comme un air de Renaissance
pas sûr que ça se lise comme une romance
Etre ou ne pas être, question d'existence
Nature à dimension Symbolique ,
à mon goût trop de concupiscence
c'est là qu'il y a un hic !...







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Entre la timide Unn et la pétillante Siss, l'alchimie fût presque immédiate. Les deux fillettes de tout juste onze ans surent tout de suite que leur amitié serait grande et unique. Une attirance mêlée de fascination les a conduit l'une vers l'autre pour les lier à jamais. Alors, pour sceller cette complicité naissante, Unn décide d'inviter Siss chez elle. La rencontre est intense, mais l'excitation et le désir d'aller trop vite dans la découverte l'une de l'autre ne leur épargne pas quelques petites déceptions, laissant les deux jeunes filles frustrées, inassouvies…


Pour se remettre de ces émotions trop fortes, Unn décide, malgré son envie d'être avec Siss, de faire l'école buissonnière le lendemain de leur rendez-vous. Ses pas la conduisent vers la cascade, que le gel a transformée en véritable palais de glace, tout droit sorti d'un conte de fées. S'introduisant à travers les crevasses, Unn se lance dans l'exploration de la fascinante bâtisse. Mais les salles sont nombreuses, étourdissantes de beauté et de majesté et le froid est traître… Derrière son apparente splendeur, le palais pourrait bien cacher un tombeau…


Tout d'abord, je tiens à remercier chaleureusement les éditions Cambourakis d'avoir réédité ce petit bijou, classique de la littérature norvégienne, injustement tombé dans l'oubli ! « le palais de glace » vient de m'offrir un pur moment de plaisir. Sous des dehors apparemment simples, voire enfantins, la langue cache en réalité une poésie et une beauté incroyables ! L'émotion qu'elle dégage est d'autant plus forte qu'elle est insoupçonnée, pleine de tact et de finesse. On avance aux côtés de Siss, seuls témoins de la promesse qu'elle a faite à Unn de l'attendre toujours et totalement impuissants face à sa détresse.


Un texte qui, sous ses allures de conte cruel nous parle de sujets forts et délicats tels que l'amitié dans ce qu'elle a de plus passionnée, exclusive, mais aussi de la solitude, du deuil et de la dépression. Ce décor de village perdu au milieu de rivières et de forêts et figé par le froid nordique confère au récit une atmosphère à la beauté irréelle, sublime et dangereuse. Un univers dans lequel la nature reprend ses droits et se révèle indomptable. « le palais de glace » est un roman bouleversant, tragique et cependant lumineux sur l'enfance, l'amitié et la solidarité entre les hommes. Une merveille à découvrir absolument !
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Je n'ai pas du tout su apprécier « le palais des glaces » de Tarjei Vesaas, je me suis ennuyée, ce moment de lecture n'a pas été convaincant pour moi, la magie n'a pas opérée.
L'amitié fulgurante scellée en une nuit entre deux petites filles Siss et Unn nouvellement arrivée chez sa tante à la suite de la mort de sa maman sera dès le lendemain mise à mal par la disparition de Unn. La recherche de la petite fille par le village entier, adultes comme enfants ne m'a rien apporté, le mutisme de Siss pour respecter un pacte ne m'a pas émue et je dirais même que cela m'a agacée. Bref, rien n'a retenu mon attention positivement sauf les paysages qui m'ont fait rêver. le palais de glace est décrit avec un tel réalisme que je l'ai vu sans aucune difficulté et j'en ai été émerveillée mais malheureusement c'est la seule chose que j'ai appréciée.
Ce n'est pas le style de lecture avec lequel je me sens bien, mon avis est donc biaisé et comme j'ai pu le voir, il y a beaucoup de très bonnes et belles critiques.
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Le printemps approche et avant de quitter cette saison, j'ai eu envie de rester dans une ambiance hivernale avec ce roman de l'écrivain norvégien Tarjei Vesaas.
« le palais de glace » est pareil à un songe glacé. C'est un conte d'hiver, de glace et de neige qui aurait pu commencer par « Il était une fois ».
Pourtant, comme beaucoup de conte de fées, cette histoire n'est pas joyeuse, au contraire. Tarjei Vesaas parle d'amitié profonde, de perte, de décès et des sentiments de culpabilité indissociables du travail de deuil. Il évoque aussi avec beaucoup de retenue, la période délicate de l'adolescence et la sexualité pré-pubère.

*
Cette histoire, qui se concentre sur l'amitié entre deux fillettes, nous entraîne dans un village isolé de Scandinavie. Un monde sous cloche où la vie y est paisible, calme, rythmée par les changements de saisons : la glace, l'arrivée de la neige, le redoux.

Siss est intriguée par le comportement solitaire et secret d'Unn, une nouvelle élève du même âge. Effectivement, la fillette se tient délibérément à l'écart des autres enfants, ne cherchant pas à s'intégrer au groupe malgré les sollicitations de Siss. Alors, lorsqu'Unn l'invite chez elle pour la soirée, Siss sent qu'elles vont enfin pouvoir devenir de très bonnes amies.
En effet, quelque chose se passe alors qu'elles sont toutes seules dans la chambre, échanges, secrets, promesses, un lien indéfectible se tisse. Mais alors qu'elles jouent, Siss décide subitement de rentrer chez elle, cette intimité nouvelle devenant trop inconfortable pour elle.

Le lendemain, sur le chemin de l'école, Unn disparaît inexplicablement. Siss se sent alors responsable. Elle va alors vivre son deuil et sa souffrance à sa façon et à son rythme, portant le lourd fardeau de la mémoire d'Unn.

« Je te promets de ne penser qu'à toi.
Je penserai à tout ce que je sais de toi. Quand tu étais à la maison, à l'école, et sur le chemin de l'école. Toute la journée je penserai à toi, et aussi pendant la nuit, si je me réveille. »

L'absence de cette fillette la rend encore plus présente à nos yeux.

*
Cette histoire est touchante, à sa manière d'instaurer un climat emprunt d'une douleur intérieure. On comprend le manque, la culpabilité et la solitude de Siss par ses silences et son besoin d'isolement.
Les saisons qui passent, de l'automne au printemps, les changements physiques de la cascade constitueront une forme de catharsis.

Si on lit cette histoire du point de vue d'un adulte, les réactions de cet enfant peuvent étonnées, agacées, mais si on la lit du point de vue d'une enfant de onze ans, ses réactions sont alors parfaitement compréhensibles et logiques.

*
Cette histoire m'a séduite par son décor hivernal, sa beauté étrange et mystérieuse, et ce voile de tristesse et de mélancolie.
J'ai adoré les descriptions des paysages nordiques, le changement de saison, ce froid extrême qui pétrifie la forêt, solidifie le lac, paralyse la chute d'eau et enveloppe le lecteur d'un épais manteau de neige. La beauté des paysages glacés et figés que nous dépeint Tarjei Vesaas génère une sorte de torpeur, de lenteur, mais aussi une angoisse imperceptible et latente.
La raison principale est la présence d'une cascade gelée à proximité du village. Elle ajoute une force étrange, mystérieuse, obsédante, mais sombre, sinistre. Son apparence changeante, à la fois inanimée et prête à s'éveiller, s'animer, se transformer, se moduler, s'ouvrir et se refermer, la rende vivante, hypnotique, grondante, menaçante, et même monstrueuse.
L'image qui me vient à l'esprit pour la décrire est celle d'un poumon qui se gonfle, se rétracte, crépite.

Son existence laisse des traces ineffaçables entre les lignes du roman. Et même lorsque le récit s'éloigne d'elle, mon esprit me ramenait sans cesse à ce Palais des glaces, comme s'il m'attirait et m'emprisonnait dans ses serres invisibles.

« Un palais ensorcelé. Il fallait essayer d'y pénétrer si, toutefois, on pouvait trouver une entrée ! On y découvrirait sûrement une quantité de passages et de portails étranges. Il fallait y aller. »

Mais ce palais de glace a également un aspect fragile et éphémère, car il peut se disloquer à chaque instant au moment du dégel.

« Personne ne put être témoin de la fin du palais. Cela se passa pendant la nuit, lorsque les enfants étaient couchés. »

*
L'écriture m'a saisie aussi par sa poésie et sa froidure. La prose de l'auteur, onirique, minimaliste, métaphorique, pleine de symboles est magnifique.

« Elle voyait bien qu'il ne s'agissait que de l'eau, mais malgré tout, cette pièce n'était que pleurs. Une lourde oppression la gagnait. Ce n'était pas ici qu'elle serait capable de lancer un appel, pas plus qu'en recevoir. »

Toute cette glace crée un mur de silence qui fait barrage aux émotions. Je dois avouer que la poésie de l'auteur n'a pas réussi à m'emporter entièrement. le coup de coeur n'était pas très loin, mais le mutisme de Siss m'a un peu gênée, j‘aurais aimé me plonger dans ses pensées pour davantage m'attacher à elle.
Mais faut-il s'attacher aux personnages pour apprécier un roman ? Certes non, en ce qui me concerne.

*
Pour conclure, le résumé nous présente ce roman comme un chef-d'oeuvre de la littérature scandinave. Je n'irai pas jusque là. Néanmoins, la plume poétique de Tarjei Vesaas a su retranscrire le froid, la beauté de ces paysages enneigés pour en faire un très beau roman d'ambiance.
J'ai adoré les descriptions du palais laissant couler ses larmes de glace.
J'ai aimé ces moments suspendus, ces silences, ce mélange de rêves et de réalité.

Mais, ce roman pourrait aussi laisser de glace. Les non-dits, les émotions peu exprimées peuvent laisser un sentiment d'inachevé tout comme séduire, offrant une belle impression feutrée et irréelle.
Je vous laisse en juger par vous-même, mais ce qui est sûr, c'est que ce roman ne laisse pas indifférent.
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Juste une remarque avant de donner mon ressenti: j'ai le livre en Editions Babel et la première de couverture est bien plus jolie et évocatrice que celle de Garnier Flammarion. Dommage qu'on ne puisse pas la mettre... Le visage fin d'une fille, au regard énigmatique, sous la glace, entourée de cristaux de givre...

Ce livre, qui au départ ressemble à un conte d'Andersen, on y entre ou pas. Le Palais de glace, on y pénètre ou pas. Ce récit symboliste, très poétique, hanté par la mort, les promesses d'enfant, l'amitié étrange et puissante, les forces d'une nature gelée, dangereuse, peut ne pas plaire, déconcerter, rebuter. Il faut se laisser glisser dans ce monde imaginaire, et pourtant proche de nos coeurs, de nos sensations. Il faut laisser les rêves se libérer et la glace finalement fondre...

Je sais, mon ressenti semble bien flou, peu explicite. Mais c'est ce que le livre provoque en moi. Unn et Siss flottent devant mes yeux, main dans la main, tremblantes et ardentes. Au-delà du miroir...

J'espère que vous connaîtrez la même magie en le lisant. Merci à toi, Idil.
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Tarjei Vesaas (1897-1970) est un auteur norvégien qui obtient plusieurs prix littéraires dont le prix du Conseil Nordique pour le roman « Palais de glace » édité en 1963.
Il était une fois dans un pays froid où la glace forme des cathédrales et des palais enchantés que Siss et Unn deux jeunes adolescentes, deviennent amies. Nous avons la chance de partager l'intimité de la genèse de cette amitié.
Quels en sont les ingrédients ?
Plaire! Donner ! Recevoir !
L'être humain a néanmoins un processus naturel en lui qui le fait « douter », « se méfier »! Toutes ces composantes ont édifié une amitié d'une force inouïe.
Ce conte regorge de valeurs humaines telles que la fidélité, la promesse, le respect, l'attachement. L'absence ne signifie pas l'éloignement. On peut être distant et pourtant très proches. La solitude ne fait pas office d'exclusivité car la présence de l'absent peut prendre des proportions tout à fait réelles et habiter l'esprit de façon omnisciente.
L'insouciante de l'enfance est conté d'une belle écriture. On ressent le froid de la glace tout en sentant le moelleux d'une prose sensible tout en finesse. Un livre à lire sans hésiter.
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Siss et Unn sont deux fillettes très différentes. La première est populaire et entourée d'amis. La seconde est solitaire et inaccessible. Pourtant, il se noue entre elles une amitié inexplicable et incommensurable. Une amitié si pure qu'elle ne peut pas exister ailleurs que dans la glace, qui saura la préserver à jamais. « La glace qui couvrait le lac était si étincelante qu'elle ne semblait pas exister. Une glace d'acier. Pas le moindre flocon de neige n'était tombé depuis sa formation. » (p. 61) Ce sentiment est si fort que les deux enfants prennent peur. Unn, pour échapper à la pression incontrôlable d'une trop grande joie choisit de faire l'école buissonnière et de se promener sous les arcades mystérieuses de la cascade gelée. L'indicible se produit et il ne reste plus que Siss qui, pour ne pas oublier Unn, se fait une promesse démesurée. « Dehors, la neige continuait à tomber, comme pour effacer Unn et tout ce qui se rapportait à elle. » (p. 109)

Dans ce texte très court, Tarjei Vesaas déploie une symbolique du froid qui confine à l'allégorie, voire à la mystique. L'amour, la mort, l'absence, ce sont trois états que les mots ne peuvent pas cerner, mais par touches, par éclats, il est possible d'en approcher le profond mystère. Palais de glace est un texte éminemment poétique, aux accents de légende et de drame antique. Pour moi qui aime tant l'hiver et le froid, ce roman est aussi précieux et unique qu'un flocon de neige.
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Au coeur de l'hiver scandinave, deux jeunes filles de 11 ans, Sis et Unn, se rencontrent et se perdent au milieu d'un village isolé et de froides forêts où les craquements des lacs gelés résonnent dans l'obscurité. C'est un joli petit roman qui semble présenter une histoire d'amitié, de deuil et d'apprentissage.

Mais n'y voir que cela reviendrait à ignorer (par inconfort ?) un thème spécifique qui me parait pourtant central. Attention je vais divulgâcher dans les grandes largeurs. Comment faire abstraction de la scène séminale (si l'on peut dire) où Sis et Unn se dévêtissent dans la chambre de cette dernière ? Elles portent l'une sur l'autre un regard fasciné où germe un « désir ». le mot est écrit noir sur blanc. Et c'est bien en raison de ce trouble, de cet émoi, que Unn prend la fuite et va mourir de froid dans ce que les jeunes filles appellent le « palais de glace ». Tout part de là, de ce désir qui s'avère mortifère.

Le « palais des glaces » sera d'ailleurs décrit avec les champs lexicaux de la mort et du désir. Cette cascade gelée (dont le nom lui-même et les couleurs chatoyantes reflètent les fantasmes de l'enfance) constitue le symbole central du roman. Elle saille depuis les flancs de la terre et on y entre par une fente, vers un intérieur suintant. le désir actif de Unn pour Sis se confond avec son désir d'entrer dans ce palais, de l'explorer. Mais son rapport avec le palais ne pourra se concevoir sur un autre plan que celui d'une beauté frigide, qui se referme éternellement sur l'enfant, et se ferme aussi aux hommes lors d'une autre scène très importante, où ces derniers, partis à la recherche d'Unn, se retrouvent pris d'un effroi ontologique devant ce palais dont ils ne trouvent pas l'entrée. Angoisse de l'enfance perdue ou effroi de faire face à une féminité qui les exclut ? le récit mêle habilement ces deux dimensions, saupoudrées d'allusions chrétiennes, notamment cette scène d'assomption où Sis entraperçoit à travers la glace (en croyant rêver) le corps congelé et nimbé de soleil d'Unn, comme purifié. Cela semble apporter un démenti flamboyant aux craintes qu'Unn exprimait de ne pas aller au paradis, à cause de son « secret », dont on aura deviné la nature. de là à déduire que sa mort a évité le péché et préservé la pureté de l'enfance…

Dans le même ordre d'idée, la tante d'Unn délivrera ensuite à Sis un discours incitant cette dernière à oublier Unn, à ne pas finir seule comme elle (la tante), et à se tourner plutôt vers ses camarades, notamment un garçon qui lui fait de l'oeil. Convaincue par ces paroles, Sis acceptera donc de regarder de l'avant au moment où le printemps fait fondre le palais des glaces : la cascade fertile jaillira de nouveau entre ces falaises libérées, les pulsions délétères seront oubliées et Sis pourra devenir une femme accomplie et « guérie » (avec tout ce que ce mot peut sous-entendre).

Bien sûr, il est certain que Vesaas éprouve beaucoup de tendresse (paternaliste ?) pour ses deux héroïnes. Dans l'ensemble, beaucoup est suggéré, car nous avons affaire à une oeuvre littéraire. Vesaas s'exprime donc surtout par images et sensations, via une langue simple et agréable, quoique parfois un peu simplette et répétitive. Nul « message » agressif et militant, juste une vison… qui en dit beaucoup sur le trouble des mentalités en Norvège, à une époque où s'élevait un débat sur la dépénalisation de l'homosexualité.
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