« [
] Liv ved straumen parut à l'automne 1970 [
] quelques mois après la mort de son auteur [
].
« [
] par-delà ce qui se dit, en résonance, jusque dans l'espace de ce qui ne se dit pas ou bien de ce qui n'est pas dit [
] ; là, semble-t-it, se joue l'un des aspects les plus marquants de l'oeuvre de Tarjei Vesaas [
]. » (Olivier Gallon)
« Romancier, nouvelliste et poète norvégien, Tarjei Vesaas (1897-1970), fils de paysan, hésite longtemps entre le métier de son père et l'écriture. Il écrit en néonorvégien (nynorsk) et atteint une notoriété nationale et européenne en 1934 avec le Grand Jeu. Il publie deux grands romans après la guerre : Les Oiseaux et le Palais de glace. » (Yvon le Men)
« [
]
[
]
Ma maison est un tumulte insensé,
de miroirs et de portes,
et c'est ainsi qu'elle restera. »
(Tarjei Vesaas, de la vie dans ma maison)
0:00 - 1er extrait
0:36 - du perron
1:11 - le voyage
1:49 - le chemin
2:11 - La graine semée à l'aveugle
2:34 - Par de sombres défilés
3:13 - Générique
Référence bibliographique :
Tarjei Vesaas, Vie auprès du courant, Traduction de Céline Romand-Monnier, Éditions La Barque, 2016
Image d'illustration :
https://snl.no/Tarjei_Vesaas
Bande sonore originale : REW - Swimming With Kawatora
Swimming With Kawatora by REW is licensed under an Attribution-Noncommercial-Share Alike 3.0 United States License.
Site :
https://freemusicarchive.org/music/REW_1123/Swimming_with_Kawatora/Swimming_With_Kawatora_1254
#TarjeiVesaas #VieAuprèsDuCourant #PoésieNorvégienne
+ Lire la suite
QUARANTE DEGRES A CATANE
La mer chaude
étire une langue indolente
vers des cuisses dorées
sur un sable de braise.
La paralysie caniculaire sévit.
Derrière l'obscurité des lunettes
le cerveau a de hauts loupés
comme des avions blessés.
Le soleil est sauvage
et il ne faut pas en parler,
mais la terre est un fourneau,
et l'Etna sur le feu
fume du goulot.
IV
RENTRANT CE SOIR
Le bleu a émergé de par-delà
tout ce qui apparaît
et habille le clair-obscur d'une montagne
que tu es en train de regarder.
Le bleu est en toi,
et attend là.
Le bleu chante sans bruit,
s'approfondit, tend vers le noir.
C'est ta propre montagne quand tu
rentres de voyage. Elle ne parle jamais de
ce que la vie est devenue.
Mais la montagne muette qui dirige
le cours des flots,
et l'homme fatigué qui se dirige
vers son giron
restent aussi immobiles l'un et l'autre
dans ce chant ténébreux.
AU BORD DU CHEMIN DIFFICILE
Au bord du chemin difficile
il pleut des soleils étincelants
comme si de rien n’était.
Nous avons l’immensité où puiser
mais ne savons l’utiliser.
Elle regorge de tempêtes
que nous ne comprenons pas.
Un feu éclate,
tout aussi énigmatique.
Dans les tombeaux reposent tous nos
vieux souvenirs.
Nous les appelons
sans obtenir de réponse.
Ils ne nous voient pas,
regardent bien au-delà de nous.
Il regarda sa soeur à la dérobée. Des yeux si étranges. Toujours désemparés, farouches comme des oiseaux.
D'une caresse, l'homme écarte prudemment du pied du cheval la neige ensanglantée. Il y a une longue estafilade rouge juste au-dessus du sabot. C'est le fer luisant et acéré de l'autre pied qui a causé la blessure. Blessure de son propre fer. De l'eau de neige fondue, sale, ruisselle le long du pied et traverse la blessure.
Terriblement douloureux.
Le cheval baisse la tête comme s'il rêvait. Lève le pied. Se penche davantage... Est avec l'homme. Est avec l'homme pour le bien et le mal.
S'est remis à l'homme.
Le rêve des ponts enneigés
Et la neige qui tombe sur nous s'épaissit.
La manche de ton manteau blanchit.
La manche de mon manteau blanchit.
Elles bougent entre nous comme
des ponts enneigés.
Mais les ponts enneigés sont gelés.
Ici au cœur règne une chaleur pleine de vie.
Ton bras est chaud sous la neige et
pése avec bonheur sur mon bras.
Il neige et il neige sans cesse
sur les ponts silencieux.
Des ponts que personne ne connaît.
P.127
Nous sommes les joueurs de bois, attirés par des choses auxquelles nous ne résistons pas.
Le dépouillement et la nouveauté sont partout autour de nous. Un rocher se dresse dans l'eau ruisselante telle une hache silencieuse brandie dans l'air, qui tronçonne les temps pour que nous arrivions sans retard à destination.
Nous sommes attendus.
Un petit oiseau inconscient dégringole contre le rocher, gît dans la bruyère, agite à nouveau ses ailes et s'envole pour ne plus se montrer.
Nous sommes attendus.
Nous sommes entre les troncs blancs des bouleaux avant même d'avoir pu nous retourner. Nous étions là-bas, et nous voilà ici.
Nous sommes attendus. C'est ici que s'écoulera notre temps compté.
Un oiseau volette au-dessus de nos têtes. Une langue de terre plantée de bouleaux s'avance dans le lac. Notre temps compté.
p199
Le coeur est fendu en deux et ne sait ce qu'il veut.
La barque doit aller pour lui - jour ou nuit ne sont qu'un rideau changeant à traverser. Avancer d'un courage farouche. Pas à cause des hommes. A cause d'énigmes embarrassantes. Le coeur est fendu en deux en grand secret.
Même si on l'aimait énormément, sa maman, on était gênée face à elle. On ne pouvait pas désigner telle ou telle chose qu'on aurait voulue différente chez elle, mais on était gênée malgré tout. Gênée, on l'était aussi face à son papa - bien qu'on soit encore plus copine avec lui, dans le fond.
p 175
-- Tu es jolie.
Alors elle se rapprocha, tout contre lui.
-- Maintenant, je comprends mieux pourquoi j'ai attendu si longtemps, ajouta-t-il.
Elle se tut tout le temps -- car elle avait un secret à lui confier. Elle s'approcha encore plus. Elle avait bougé le bras et ç'avait été un chant d'oiseau -- maintenant, elle tournait tout le corps, par sorcellerie.
Tournait tout le corps et il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. C'était indicible. Elle s'approcha encore plus. Elle était tout près de lui, née d'une passée de bécasses. Elle était à lui.
[Tarjei VESAAS, "Fuglane" ("Les Oiseaux"), Gyldendal Norsk Forlag, Oslo, 1957, traduit du néo-norvégien (nynorsk) par Régis Boyer pour les éditions Pierre-Jean Oswald, 1975 -- réédité aux éditions Plein Chant, 1986, chapitre VII, pages 42-43]