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Critique de Pujol


Vialatte. le nom d'abord. Poétique, cosmique. Une "voie lactée" traduite en bas-auvergnat. Un chemin laiteux, énigmatique et beau qui nous emporte à travers le blanc des pages. "La complainte" est le premier livre que je lis de lui et il a la saveur du premier plaisir ressenti : surprenant et intense bien que matiné déjà de la douce mélancolie du dépucelage. Vu le nombre des citations que j'ai collecté, vous l'aurez compris Vialatte m'a enthousiasmé. Il pose ses adjectifs consciencieusement, méthodiquement, comme de petites charges explosives pour faire sauter le réel et nous laisser hébétés du souffle engendré. Alliances, combinaisons inattendues de formes étranges et belles comme tombées du pinceau d'un peintre distrait et s'étalant dans un génial hasard sur le grain d'une toile. Mais le petit bonheur, la chance, n'y sont en fait pour rien. La maîtrise de Vialatte et voilà tout. van Eyck et beauté flamande à l'huile. Dans ce monde onirique "les sucres d'orge sont regrettables", "les pélérines véhémentes", "les ombres éloquentes", "les montagnes emphatiques" et "la neige sale déshonore les éléments". Ce pays onirique surgit à l'improviste, sans préambules, au beau milieu de villages éteints et de quotidiens usés. Les frontières disparaissent entre le banal et le merveilleux. La magie Vialatienne réside dans ce "sfumato" fantastique dans lequel les personnages, les paysages et même l'histoire tendent quelquefois à disparaître. L'abondance d'images vient parasiter le récit, le noyant, le saturant, niant "la conception géométrique du vraisemblable". Souvent, on fait un pas de côté dans l'histoire et l'on se retrouve perdu au milieu de superbes tableaux immobiles, puis l'on revient doucement sur le sentier narratif sans savoir comment nous sommes passés "de l'autre côté". Ce merveilleux qui nous attend là, prêt à l'usage convient parfaitement à l'évocation de l'adolescence et des "enfants frivoles" qui n'espèrent qu'à un destin d'aventures qui vienne les chercher du fond de leur enfance trop longue. Ce qui est à retenir chez Vialatte, ce n'est pas le lire, c'est le voir. L'histoire de ces trois adolescents est un engrenage brillant qui fait démarrer la fabuleuse et fantastique machine à images vialatienne qui recouvre le récit d'une fine neige kaléidoscopique. Enfin, ce qui a fini de me ravir c'est la voix que j'ai entendu en coulisse au fil des pages dans ces descriptions de "provinces décevantes" et dans certaines trouvailles, ces vialatinnes sucrées et cassantes : Pierre Desproges qui était un grand admirateur de l'auteur et chez qui l'on retrouve ce rythme charmant et ces chutes inattendues. La boucle est bouclée et le pantalon tombe bien sur nos chaussures cirées et vernies.

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