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Critique de larmordbm


Le titre du nouvel ouvrage de Jean Viard, sociologue et chercheur au CNRS, Une émeute est le langage de ceux qui ne sont pas entendus, interroge. Il s'agit d'une phrase prononcée par Martin Luther King le 14 mars 1968.
A la suite des émeutes de l'été 2023, Jean Viard, dans ce petit opuscule, analyse, sur le plan sociologique, à partir de données chiffrées et de statistiques, ce qui s'est passé dans les banlieues et les villes moyennes, replace ces évènements dans un contexte historique, et dessine des perspectives pour éviter que de nouvelles explosions de violence ne se reproduisent.
Un jeune français arabo-musulman Nahel a été tué le 27 juin 2023 à Nanterre. Sur une période de dix-huit mois, de janvier 2022 à juin 2023, seize jeunes ont été tués par des policiers en France.
61% des émeutiers arrêtés vivaient dans une famille monoparentale. Selon Jean Viard, les quartiers prioritaires de la ville "stockent" des décrochés scolaires et des jeunes qui vivent d'activités parallèles (selon l'Insee, le trafic de cannabis représenterait l'équivalent de 21 000 équivalents temps plein et de trois milliards de chiffre d'affaires), des jeunes issus de l'émigration, aux "corps noirs ou bruns" qui n'ont aucun espoir révolutionnaire, mais qui, pour une large partie d'entre eux, parviennent à se déplacer vers la ville et à pénétrer les couches moyennes de la société, constituant ainsi la face intégrée et respectable de cette communauté.
Sur quel postulat de départ s'appuie le chercheur pour trouver une origine au phénomène des émeutes urbaines se reproduisant, d'après lui, tous les quinze ou vingt ans en France ? Il évoque un système de leurre pour masquer la question postcoloniale, leurre quand on parle de politique de la ville alors qu'il s'agit des périphéries ou des lisières, leurre quand on interdit les statistiques ethniques, alors que 20% de la population française a des parents qui ont vécu dans les anciennes colonies, leurre ou cécité quand la France est incapable d'imaginer un musée de l'histoire coloniale, leurre ou déni quand la mémoire de la guerre d'Algérie nous fait défaut et quand les musulmans algériens de l'Algérie française n'étaient ni français, ni citoyens.
C'est en abordant de front l'ensemble de ces questions, et en accordant du respect à ces populations, que la France, pourra, selon le sociologue, renouer des liens Nord-Sud, et permettre aux jeunes biculturels d'en devenir les ambassadeurs.
Jean Viard nous offre, avec cet essai, un vibrant plaidoyer en faveur d'une approche humaniste de codéveloppement.
Je remercie Babelio et les éditions de l'Aube de m'avoir offert la possibilité de découvrir ce livre et de retrouver la voix claire et engagée du sociologue.
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