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Critique de patrickandre


Ce roman de Gary Victor se déroule en Haïti, à Port-au-Prince en pleine dérive arnacho-populiste dans un passé très récent dont nous Haïtiens et Haïtiennes connaissons intimement. C'est une oeuvre de fiction trop proche de la réalité pour ne pas sauter à nos yeux. Un ancien président populiste nommé « L'Elu » est aux commandes du pouvoir de doublure de son « marassa » (jumeau). Dans les rues déferlent les organisations populaires qui l'idéalisent et les « chimè” qui protègent le pouvoir par la violence. Dans ce décor politique survient le personnage principal : « Éric », un anti-héros violent, sanguinaire, cruel, impulsif, révoqué injustement pour appliquer les politiques d'ajustement structurel du néolibéralisme de la mondialisation imposé au gouvernement.

Pour se venger, Éric compte assassiner le ministre des Finances. La trame romanesque s'annonçait captivante et intéressante. J'ai tout de suite aimé le rapport avec le contexte politique, les descriptions vitrioliques de la corruption du pouvoir et des hommes politiques, de l'infantilisation du peuple et de la pauvreté révoltante du pays. Connaissant les écrits de Gary Victor et sa spécialité pour la fantasmagorie et le surréalisme, je m'attendais à lire une histoire étrange, bizarre, baignée dans les croyances magiques traditionnelles, les anecdotes ésotériques à dormir debout qu'on raconte tard le soir pour effrayer les enfants.

Mais ce roman a dépassé mes attentes- malheureusement dans le mauvais sens. C'est un roman démentiel, où au-delà du surréalisme on pénètre dans la violence gratuite et la folie pure et simple. On côtoie des fous, une statue de saint catholique qui parle et court les rues en criant un « Ayibobo ! » du vodou – c'est peut-être le syncrétisme religieux du pays revu par l'auteur. Et surtout il y a tous les miroirs qui ne reflètent plus – la malédiction d'une nation envoutée au bord de l'Apocalypse. Un passage très amusant décrit Éric qui pisse sur la tête du président dans une cérémonie vodou. Et dans tout cela les écrits du pays deviennent magiquement inversés et se lisent de gauche à droite.

Une bonne dose d'imagination originale aurait suffi pour en faire un bon roman à connotation politique. Mais l'imagination déferlante de M. Victor devient dans ce livre de la folie furieuse. Je fus heureux de terminer cette histoire abracadabrante qui fatiguait mon esprit. Il existe cependant certaines descriptions qui retiennent l'attention et décrivent avec justesse nos réalités kafkaïennes. Je ne peux sincèrement recommander la lecture de cet ouvrage mais je respecte le talent évident de Gary Victor et continuerai à lire ses écrits avec intérêt. Je reste cependant étonner que cet ouvrage ait obtenu "le Prix du Livre Insulaire 2003 à Ouessant en France". Peut-être que son essence m'a échappé.
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