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Critique de ithaque


Une couverture intrigante et attractive. Et c'est le grand plongeon pour Yvonne qui part pour l'EHPAD, malgré un jeu de jambes encore très honorable. Une case du jeu de l'oie qu'on ferait tout pour éviter, quitte à faire quadruple ventouse comme bernique sur rocher.


EHPAD, 5 lettres qui font frémir, exploser le tensiomètre, avec des flashs de couverture marron-moche tirée à 4 épingles et de fenêtres calfeutrées ( pur cauchemar pour ceux qui dorment la fenêtre ouverte toute l'année !).


Et pourtant, demandez aux éléphants, chez eux c'est bien la matriarche qui régente sa troupe au petit trot et à coups de trompe bien sentis. Forcément, elle connaît tous les coins à champignons depuis le temps. Et les baleines, pareil, les vieux sont intarissables dans le répertoire chants de marins, c'est eux qui mettent l'ambiance. Sous d'autres cieux plus étoilés, l'arbre à palabres connaît également une prédilection notoire pour les cuirs tannés.
Mais non, chez nous, l'iPAD n'aime pas la tremblote, direction l'EHPAD , allez ça dégage.

Établissement (in)Hospitalier Pour Adultes Décatis, les affinités et inimitiés y font leurs choux gras comme partout ailleurs mais y sont amplifiés par la cohabitation forcée, l'étrécissement des lieux et des interlocuteurs. La Bd de Séverine Vidal et Victor Pinel le montre bien , adouci par le coup de foudre d'Yvonne pour Paul, ça s'est vu et j'y ai cru.

On admire les animateurs qui soufflent sur la petite braise pour dérider quelques boyaux et faire grésiller les neurones désoeuvrés. On se fige par contre devant les détestables infantilisations qui rabotent uniformément puits de culture, crêtes rebelles, absences en tous genres. Et pilonnent toute une vie à la mèche à béton de 8, avec la nonchalance écoeurante d'une jeunesse condescendante.

Un dessin qui met le paquet sur les expressions des visages, autant dire qu'on en profite par les temps qui courent.

En écho à la couverture, il m'a quand même manqué quelques tunnels de rêverie antique, des plongées dans l'imaginaire d'Yvonne, des échappées de peloton sous le soleil des enfances disparues, des chiens bondissants, toujours là, bien sûr, sous les paupières. Un peu plus d‘imaginaire pour échapper au rase motte de la charentaise.

Et puis cette pensée persistante à chaque page, une envie irrésistible de mort esquimau, laissez nous crever sur la glace quand on sera trop vieux pour mâcher la peau de phoque ; avec la pensée magique que le vieux morse va se réincarner tout prochainement dans un dodu bébé aux yeux plissés et se riant de la glace, les fesses au frais à tout jamais.

Merci à Babelio et aux éditions Grand Angle pour cette bd sur un thème qui mérite d'être sorti des abysses et discuté avec plus d'empressement sur la place publique.

Car comment se contenter de la formule actuelle de ces ghettos pour vieux quand tout un chacun a connu son pépé François bricolant à 94 ans son éolienne de jardin devant la mer, son potager mirifique, son merveilleux foutoir, ses éternels yeux bleus , ou sa mémé Jeannette revenant de la crevette à vélo, moulinant de ses 92 printemps dans la côte ?
Qui les a connus, jamais n'enviera le mol oreiller beige ni l'écran blafard et tonitruant donnant d'obscures nouvelles de lointaines contrées dépourvues même de rivage.
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