Dans le 159e épisode du podcast Le bulleur, on vous présente Le souffle des choses, premier tome de la série La marche brume que l'on doit à Stéphane Fert et qui est édité chez Dargaud. Cette semaine aussi, on revient sur lactualité de la bande dessinée et des sorties avec :
- La sortie de l'album Shiki, 4 saisons au Japon que l'on doit à Rosalie Stroesser et aux éditions Virages graphiques
- La sortie de l'album La loi des probabilités, titre que l'on doit au scénario de Pascal Rabaté, au dessin de François Ravard et c'est édité chez Futuropolis
- La sortie de l'album Tous ensemble !, album que l'on doit au scénario de Kris, au dessin conjoint d'Arnaud Michalak et Juliette Laude ainsi qu'aux éditions Delcourt
- La sortie de l'album Au nom du fils, sous-titré Dans l'enfer de la prison de San Pedro que l'on doit au scénario conjoint de Jean-Blaise et sa fille Pauline Djian, au dessin de Sébastien Corbet et c'est édité chez Rue de Sèvres
- La sortie de l'album Le seul endroit que l'on doit au scénario de Séverine Vidal, au dessin Marion Cluzel et c'est édité chez Glénat
- La sortie d l'album collector pour les 77 ans du journal Tintin, album collector que signent de nombreuses plumes et des dessinateurs de renom et qu'éditent Le Lombard
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J’ai un peu peur, petit Tom. Peur de la suite, des mots qui vont s’effacer, comme mes souvenirs. J’oublierai ton prénom, peut-être. Si j’oublie ton prénom, tue-moi.
J'ai horreur de ce genre de couvre-lit. Tissu rêche, couleur moche, poussière, cendre. Couleur mort, on dirait qu'ils le font exprès.
Je déteste ce papier peint, cette peinture écaillée, cette odeur de vieillerie, de sang frais, de médicament.
Je hais le bruit du robinet qui fuit, ce ploc, ploc.
Oui, c'est à croire qu'ils le font exprès.
- Bon, les vieux, avant de rentrer, vous voulez faire quoi ?
- Euh… Je voudrais retomber en enfance, me cacher et crier que je suis là , quand tu passerais près de ma planque.
Voilà. Ça arrive. Comme une bête sauvage qui attendait, tapie, et me saute à la gorge.
Les mots fuguent. Et les souvenirs aussi. Vos voix à tous, je ne les entends plus : je ne sais plus à quoi ressemblait la tienne, Henri. Hier, à l’atelier, j’avais à la fois trop de souvenirs et aucun. Une bouillie de mémoire, autant dire rien.
C’est sympa d’avoir de la visite, hein ?
- Oui, mais c’est dur quand les gens repartent. (page 23)

J'ai eu vingt ans ici, un mariage sous le tilleul, mes cheveux retenus en queue-de-cheval.
J'ai eu trente ans ici, et quatre fois le ventre gros. Trois bébés qui ont grandi, comme on court dans les hautes herbes. Et l'autre, celui qui n'a pas vécu, est enterré plus loin. Nous n'avons pas fleuri sa tombe.
J'ai eu quarante ans ici, un monde à mener à la baguette, avec le sourire. Et puis des années douces, le rire de mon homme, sa calvitie et ses mains baladeuses.
J'ai eu cinquante ans ici, sans jamais craindre les lendemains.
J'ai eu soixante ans, la fête un jour d'orage, et soixante-dix ans, la marche plus lente, toujours main dans la main avec lui.
J'ai eu quatre-vingts ans ici, Henri avait disparu quelques mois avant et les enfants me disaient "tourne la page". Depuis, j'avance en manquant de tomber à chaque pas, puisque chaque pas m'éloigne encore de lui.
Je n'aurai plus rien ici, aucune fête, aucune chute, plus aucune nuit d'amour. Je n'ouvrirai plus les volets sur le matin frais. Je ne m'assiérai plus, un verre à la main pour contempler le soleil se coucher.
Je pars.
J’aimerais que tu sois encore là Henri, que tu te perdes juste pour que je te retrouve. Je ne me fâcherais pas. Ta fugue serait pardonnée. J’enroulerais mes bras autour de tes épaules et je te dirais « viens ».
Cinquante-huit ans avec toi, et puis ce vide après. On dirait que je sombre et que la chute est sans fin. (page 49)
J’aimerais que tu sois encore là, Henri, que tu te perdes, juste pour que je te retrouve. Je ne me fâcherais pas. Ta fugue serait pardonnée. J’enroulerais mes bras autour de tes épaules et je te dirais, « Viens. »
Les mots tuent. À petit feu, sans effusions de sang, mais ils tuent.
Je n’aurais plus rien ici, aucune fête, aucune chute, plus aucune nuit d’amour. Je n’ouvrirai plus les volets sur le matin frais. Je ne m’assiérai plus, un verre à la main pour contempler le soleil se coucher.
Je pars. (page 12)