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Critique de michfred


Une chauve-souris est rentrée dans ma chambre, m'obligeant à éteindre, dans la panique, ma lampe de chevet, pour la laisser repartir par la fenêtre, grande ouverte sur le ciel étoilé, dans des battements d'aile fébriles et des petits cris affolés...Cas de force majeure :j’ai toujours été paniquée par ces bestioles, et n’ai pas pu terminer « D’après une histoire vraie »…Je l'ai donc achevé ce matin, au soleil, dans un climat plus diurne et apaisé..

N’empêche que la bestiole n’a pas manqué d’à propos: c'est bien de vampirisation qu'il s'agit dans ce roman.

Voici le sujet en deux mots : Delphine de Vigan en personne, un peu dépassée par le succès de son dernier roman et guettée par la panne d’inspiration qui suit souvent un best seller, est contactée par une jeune femme qui semble tout connaître d’elle, et, plus troublant encore, la deviner à demi mot. Cette dernière se rend vite indispensable, mais réserve sa présence à la seule Delphine, évitant soigneusement tout contact avec ses proches. Plus elle couve et phagocyte l’écrivain, moins celle-ci arrive à écrire, développant bientôt une véritable phobie face à l’écriture. Alors, L. (c’est le nom de la femme chauve-souris) devient de plus en plus inquiétante, de plus en plus exigeante : Delphine doit écrire ! Mais pas n’importe quelle fiction : elle s’est engagée dans le VRAI avec son dernier livre, c’est sa réalité VRAIE qu’elle doit continuer de livrer en pâture aux lecteurs, autres vampires…

"D’après une histoire vraie" a tout du thriller – on est vraiment scotché à ce livre qui dégage une tension et un malaise palpables…plus subtils, mais tout aussi terrifiants que dans Misery de Stephen King, malicieusement cité en exergue d’une partie du livre !

Mais il a tout du piège littéraire aussi : comme dans un tableau d’Escher, on se demande si l’escalier monte à la tour, ou s’il descend, si l’eau cascade ou si, bizarrement, elle remonte, si l’on voit des chevaux noirs sur fond blanc ou au contraire des oiseaux blancs sur fond noir…

S’agit-il d'une auteure à succès fragile , un peu paumée, aux prises avec une admiratrice manipulatrice et machiavélique ? Ou d’une auteure diaboliquement habile, vampirisant ses admirateurs pour nourrir son univers romanesque?

Est-ce un récit inspiré de faits réels incroyablement romanesques, quoique fortement ancré dans l’actualité littéraire et éditoriale …ou une fiction incroyablement plausible grâce à des effets de réel aussi habiles que trompeurs ?

Le roman-récit donne le vertige….et la mise en abyme va très loin, puisque ce qui s’avère mensonger (bel oxymore) est le fruit d’une « contaminatio » habile de la fiction littéraire…

« Cette histoire est vraie puisque je l’ai inventée » disait ironiquement Boris Vian.

Delphine de Vigan, bien loin de la panne d’inspiration qui sert de prétexte à ce récit, jongle brillamment avec le vrai et le fictif, avec la victime et le bourreau, avec les genres littéraires- autobiographie ? thriller ? essai pervers sur l’écriture romanesque ? - varie les perspectives, les angles d’attaque, bref, nous donne le tournis…

On en redemande…

Une petite chauve-souris, avec le recul, est finalement bien inoffensive au regard de cette vampirisation radicale…

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