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Critique de boudicca


Créée en 1941, la collection « Que sais-je ? » éditée par Les Presses universitaires de France connaît encore aujourd'hui un grand succès aussi bien grâce à la variété des sujets traités qu'à ses présentations synthétiques mais néanmoins complètes. L'ouvrage de la collection consacré au Front populaire ne fait pas exception à la règle et est signé par Jean Vigreux, spécialiste des gauches européennes. Dense mais concise, cette synthèse se focalise sur un moment phare de la vie politique française du XXe siècle, à savoir l'union de la SFIO, du PCF et du Parti radical en un Front populaire, et leur victoire aux élections de 1936. Une victoire qui, bien que de courte durée, changera durablement le visage de notre pays par l'adoption d'un grand nombre de réformes dont nous sommes aujourd'hui les héritiers (réduction du temps de travail, congés payés, prolongement de la scolarité, démocratisation de la culture…). L'ouvrage se consacre dans un premier temps sur le contexte politique et économique du milieu des années 1930 qui se caractérise par une crise économique de grande ampleur, une remise en cause de la démocratie libérale et la montée du fascisme en Europe, France comprise (la journée du 6 février 1934, qui fit craindre un coup d'état de l'extrême-droite, fit notamment beaucoup pour cimenter l'alliance des partis de gauche). Jean Vigreux aborde ensuite la question du rapprochement entre les trois partis, ainsi que le rôle clé joué par les militants à la base, de même que par les intellectuels, unis en un même front commun contre le fascisme. L'auteur ne se contente toutefois pas d'égrainer un à un les événements les plus marquants de l'époque mais tente aussi de nous plonger dans l'ambiance de cette campagne électorale de 1936 qui vit naître de nouveaux modes de mobilisation et de communication (il s'agit de la première campagne électorale radiodiffusée et les meetings, tellement à la mode aujourd'hui, connaissent un véritable essor à cette période).

Après avoir relaté la conquête du pouvoir, Jean Vigreux aborde la question des réformes et d'exercice du pouvoir par la gauche. L'occasion de rappeler que bon nombre des choses que nous tenons pour acquises aujourd'hui ont fait l'objet de luttes, et n'ont pas été gracieusement offertes sur un plateau par la droite et le patronat. Il a fallu se battre, instaurer un rapport de force favorable aux travailleurs, et l'immense vague de grèves de mai-juin 1936 le montre très bien puisque c'est la mobilisation ouvrière d'alors qui permis la signature des fameux accords de Matignon. Viennent ensuite la division et le sursaut de la droite. Division surtout causée par le déclenchement de la guerre civile espagnole qui tiraille la gauche entre partisans d'une paix à tout prix et ceux qui estiment nécessaire de prendre les armes contre les fascistes pour préserver la démocratie. La droite, elle, se radicalise : l'extrême-droite se livre à des campagnes de calomnie dans la presse (calomnies qui causeront la mort du ministre socialiste Roger Salengro, accusé à tort d'avoir déserté en 1915), des groupuscules armés se livrent à des actions violentes sur le territoire, et la droite tient des discours de plus en plus nationalistes, antisémites et anticommunistes. C'est dans ce contexte tendu que Blum sera finalement désavoué par le Sénat (mais pas par l'assemblée), et que le parti radical, sous la houlette de Daladier, fera vote-face et se ralliera progressivement à la droite. La contre-offensive patronale ne se fait pas attendre : les mouvements ouvriers sont réprimés, plusieurs des acquis de 36 retirés, et la nécessité d'obéir aux lois du capitalisme (profit, risque individuel et liberté du marché) réaffirmée. L'auteur interroge ensuite l'héritage du Front populaire, ainsi que les conséquences de cette bipolarisation de la vie politique française et de la radicalisation de la droite.

Synthétique mais très complet, le « Que sais-je ? » consacré au Front populaire est un petit ouvrage fort instructif et bien construit qui permet de se plonger dans le contexte de l'époque et de bien comprendre les enjeux de l'accession (éphémère) de la gauche au pouvoir en 1936. Une entrée en matière idéale sur le sujet, qui pourra être complétée grâce aux références bibliographiques brassées ici par Jean Vigreux.
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