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Critique de Thrinecis


En découvrant la version originale de ce beau conte écrit en 1740 par Gabrielle-Suzanne de Villeneuve, je craignais soit de m'ennuyer un peu, soit de peiner un peu sur une prose peut-être difficile à lire. Or, pas du tout, ce fut une très bonne surprise ! le texte est très agréable à lire, avec un emploi du passé simple que l'on pourrait envier et souhaiter dans bien des oeuvres contemporaines – il est rare que je ne déteste pas lire un livre écrit au présent - et qui lui donne une grande élégance.

Dépourvu de toute mièvrerie, le conte est ici beaucoup plus riche et subtil que sa version la plus connue, celle de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont qui la simplifia en 1756 pour en faire un conte pour enfants dont s'inspire le dessin animé de Disney.
Car ce conte ne contient pas un seul récit mais trois, chacun d'eux enchâssé dans le précédent : le premier récit concerne ce qui est arrivé à la Belle à partir du moment où son père se réfugie dans le château de la Bête, le deuxième nous explique l'origine de l'enchantement qui transforma le Prince en Bête, et le troisième, remontant encore le temps, relate la naissance de la Belle et la Bête et l'intervention des Fées, ces Intelligences supérieures dont les guerres de pouvoir, les amours avec des rois et les jalousies ont déclenché tous les événements relatés dans le conte. Cette dernière partie est d'ailleurs un peu longue et sans grand intérêt.

On ne connaît généralement que la première partie du conte, mais sans deux éléments liés que Madame Leprince de Beaumont a totalement occultés dans sa version pour enfants : les rêves de la Belle et le désir. Celui de la Bête s'exprime oralement chaque soir avec la question rituelle qu'il pose à la Belle : voulez-vous couchez avec moi ? Celui de la Belle se cache plus subtilement dans son attirance forte pour le bel Inconnu qui lui apparaît chaque nuit dans ses rêves, rêves dont on découvrira par la suite qu'ils lui sont envoyés par la Fée bienfaisante qui cherche à libérer le Prince de l'enchantement. Leur puissance onirique affaiblit progressivement la répugnance de la Belle envers le monstre et lui permet chaque jour un peu plus d'accepter la bestialité de son apparence et de son esprit, rendu également grossier par les maléfices d'une Fée jalouse.

Ce conte m'a procuré le même enchantement que le film de Cocteau !
Madame de Villeneuve glisse dans sa fantaisie quelques éléments exotiques comme des oiseaux rares, des perroquets, seuls animaux aptes à parler avec la Belle dans le château de la Bête, et des sapajous, des singes-pages ou des guenons-dames d'atours qui la servent. le merveilleux s'exprime aussi de manière un peu anachronique dans ce château fabuleux avec tous les spectacles enchanteurs auxquels la Belle peut assister en ouvrant simplement l'une des six fenêtres d'un salon : l'Opéra-Comique, les Tuileries, la Comédie Italienne et même une fenêtre s'ouvrant sur les grands événements qui se déroulent dans le monde, sorte de chaîne télévisée d'informations en direct !

Toute cette beauté, tout ce baroque et tous ces sortilèges sont là pour émerveiller la Belle et lui faire accepter la Bête : ils ont aussi agi sur moi, complètement charmée par ce conte magnifique dont la morale à retenir est de ne jamais se fier aux apparences.

Une belle postface clôture l'édition Gallimard le Promeneur avec deux superbes lettres échangées entre la Belle et la Bête, éclairant leur histoire sous l'angle de la mythologie antique.

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