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Critique de AV


Avant tout, mesdames, asseyez-vous sur vos offuscations féministes avant de lire ce livre. Ensuite, et là ça vaut pour les hommes aussi, commencez-le avec un minimum de motivation car L'Eve Future n'est pas un livre qu'on lit vite fait bien fait, à la plage ou par défaut parce qu'on a que lui sous la main. D'une part parce qu'il vaut quand même mieux que ça mais, surtout, parce que sinon le risque de décrocher relativement vite serait énorme. En effet, l'écriture peut être franchement assommante, c'est lent et l'action est très modérée (sentez l'euphémisme). En bref et pour le dire très platement : L'Eve Future, bien que plus jeune d'un demi siècle, c'est pas Les Trois Mousquetaires.
Maintenant que tout ça est dit, j'espère quand même convaincre du fait que, oui, ça vaut vraiment le coup de se plonger dans cette lecture.

Bon, au niveau du contexte, Villiers de l'Isle-Adam est au symbolisme ce que Zola est au naturalisme (cette opposition symbolisme/naturalisme est d'ailleurs présente en filigrane pendant tout le livre). On est à la fin du XIXème siècle dans une période de crise spirituelle où le passage au XXème incarne pour certains (dont beaucoup d'artistes) le début de la fin, l'apothéose de la décadence morale et artistique. Une rivale grignote doucement le piédestal de Dieu et ses mystères : c'est la science.
L'époque est aussi celle d'une fascination pour les automates qui prennent de plus en plus de place, tant dans les livres que dans les événements et salons publics. Edison lui-même s'attèlera à leur construction et tentera de les perfectionner.

Dans L'Eve Future, on est donc en plein dans cette dimension de science quasi toute puissante et désincarnante. le roman est construit autour de la création d'une andréide, femme-machine techniquement époustouflante et dotée -soyons grand prince- de parole et d'un semblant de conscience grâce au spiritisme. Elle permettrait de remplacer la femme «naturelle» qui est au mieux belle et charmante mais toujours désespérément imparfaite (pour rester polie) de coeur comme d'esprit.
C'est tout naturellement qu'un double d'Edison se colle au rôle de créateur, représentant à la fois cette science transgressive mais aussi la volonté un peu paradoxale d'y (ré)insuffler quelque chose de mystique. Il est au final dans un rôle un peu ambigu puisque pétri de bonnes intentions en voulant sauver les hommes dont la vie est anéantie par la femme mais, pour cela, joue avec les frontières de la vie et est à la limite du pacte avec le Diable. Les habitués de science-fiction retrouveront d'ailleurs dans ce livre des aspects du fameux complexe de Frankenstein d'Asimov.

L'Eve future est, à la base, un roman feuilleton. Villiers de l'Isle-Adam a construit son récit un peu au fur et à mesure, a été interrompu par manque de succès, bref, cela contribue peut-être à ce côté un peu ardu au niveau de la lecture. Par contre, cela permet aussi de nous projeter dans les expériences et concepts de l'époque qui servent notamment à construire la base de la partie surnaturelle du récit, que l'auteur devra utiliser pour pouvoir terminer son histoire.

En fin de compte, beaucoup de raisons peuvent vous faire lire ce livre selon vos affinités : pour les thèmes philosophiques qu'il aborde, pour la critique de son temps qui est présente tout au long du livre, pour son côté symboliste, pour sa place parmi les ouvrages qui anticipent la science-fiction, pour sa description longue et minutieuse de la création de l'andréide dans le cas où vous êtes fasciné par les automates (c'est d'ailleurs ce qui m'a fait lire ce livre), pour compléter de sa trois-centaine de pages le clin d'oeil que Ghost in the Shell lui fait en introduction, ou, évidemment, tout simplement par curiosité et envie de découvrir un nouveau livre un peu particulier.
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