Citations sur Idées pour retarder la fin du monde (9)
La colonisation du monde par l’homme blanc européen a largement été guidée par le principe qu’une humanité éclairée devait aller à la rencontre d’une humanité, restée dans l’obscurité sauvage, pour l’irradier de ses lumières. Cette aspiration au coeur de la civilisation européenne a toujours été justifiée par le postulat qu’il n’existe qu’une manière d’être ici sur la Terre, une certaine vérité, ou une conception de la vérité, censée guider la plupart des choix effectués à différentes périodes de l’histoire.
Si nous sommes une seule humanité, comment justifier que, selon de savants calculs, près de la moitié de celles et ceux qui la composent soient totalement dépossédés des conditions minimales qui leur permettraient de subvenir à leurs besoins ? La modernisation a poussé ces gens hors des campagnes et des forêts pour en faire de la main-d’oeuvre, et aujourd’hui ils s’entassent dans des favelas en périphérie des métropoles. Ces gens ont été arrachés à leurs collectifs, à leurs lieux d’origine, et ont été jetés dans ce broyeur appelé “humanité“.
S’il ne fait aucun doute que le développement de technologies efficaces nous permet de voyager d’un endroit à un autre, que ces équipements facilitent notre déplacement sur la planète, il est également certain qu’ils s’accompagnent d’une perte de sens de nos déplacement.
Alors que l’humanité est partout poussée à quitter son sol, les grandes entreprises très intelligentes, elles, s’emparent de la Terre. Nous, l’humanité, nous vivrons dans des environnements parfaitement artificiels, produits par ces mêmes entreprises qui dévorent les forêts, les montagnes et les fleuves. Et ils sont prêts à inventer n’importe quoi pour nous maintenir dans cette situation, dépossédés de tout, et si possible, pourvu que nous absorbions beaucoup de médicaments. Après tout, il faut bien faire quelque chose des déchets qu’ils produisent. On pourrait résumer ce reste à un tas d’objets destinés à nous divertir, et à une montagne de médicaments.
La consommation a pris toute la place dans les relations. Nos enfants, depuis l’âge le plus tendre, sont éduqués à devenir des clients. Personne n’est plus admiré que celui qui peut consommer davantage. Ils sont adulés au point d’en devenir immonde. (…) Cette idée de consommateur vous dispense de l’expérience de vivre sur une Terre pleine de sens, et ouverte à différentes cosmovisions.
Notre époque s’est spécialisée dans la création du manque : de sens pour la vie en société, de sens pour l’expérience de la vie elle-même. Cela engendre une très grande intolérance à l’égard de quiconque est encore capable d’éprouver le plaisir d’être en vie, de danser, de chanter. Et il y a plein de petites constellations de gens éparpillées dans le monde qui dansent, chantent, font tomber la pluie. Le genre d’humanité zombie que nous sommes appelés à intégrer ne tolère pas tant de plaisir, tant de jouissance de la vie. Alors, il ne leur reste, comme moyen de nous faire abandonner nos propres rêves, qu’à prêter la fin du monde.
Il y a l’humanité respectable, et il y a une couche organique, plus brute, plus rustique, cette sous-humanité est composée de gens qui s’accrochent encore à la terre.
L’idée que les humains puissent vivre séparément de la Terre, dans une civilisation abstraite, est absurde. Cette idée détruit la diversité, nie la pluralité des formes de vie et des modes d’existence. Elle prescrit le même repas, le même costume et, si possible, la même langue à tout le monde.