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Citations sur Interruption (10)

Ils ne savent pas que mon cœur se serre dès que je rencontre un nouveau-né et que je suis hantée par l’éventualité de ne jamais sentir le mien contre moi, mais que toutes les décisions que j’ai prises, tous les choix que j’ai faits depuis que je m’imagine diriger ma vie l’ont été au nom d’une indépendance à laquelle je suis viscéralement attachée et que je ne suis pas prête à abandonner. Elle est si confortable.
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Premier test de grossesse. S’ensuivra une longue série au cours des vingt-cinq prochaines années : l’inquiétude variera, le verdict imploré également.
Pour l’heure, il est positif. Vertige, angoisse, solitude. Je prends conscience de ma fertilité comme d’une porte en pleine gueule.
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Solitude, solitude, solitude. Je comprends immédiatement à mon réveil que je viens de vivre ma première épreuve fondamentale intime et personnelle, de celles qui n’appellent aucune consolation. Je perçois qu’elle aura des retentissements qu’il m’appartiendra seule de digérer et d’apprivoiser. C’est dans mon corps que tout cela s’est passé.
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Il y avait aussi la mémoire de toutes les femmes de ma famille qui s’étaient battues pour avoir ce droit-là ; je me devais d’en user, comme du droit de vote.
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J’avais beau savoir que tout cela le concernait autant que moi, je ne voulais pas vivre cette IVG autrement que de façon purement personnelle.
Je ne lui en voulais pas mais je trouvais la situation injuste : cette connerie, nous l’avions faite à deux et j’étais la seule à la subir. C’était bien moi qui étais enceinte et qui allais me faire avorter, il n’y avait qu’en moi que cela risquait de résonner.
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Je ne sais pas combien de fois j’ai dû me le répéter ce matin-là : j’ai quarante ans. Comme si le marteler pouvait rendre vraisemblable cette information encore inconcevable la veille, bien que tant redoutée. Comment est-il possible d’avoir vingt ans puis tout d’un coup quarante ? Il me semble que me réveiller homme ne m’aurait pas plus choquée.
Puisque je n’en perçois aucun symptôme mental, je n’arrive pas à m’y résoudre : aurais-je un jour le sentiment d’être une adulte ?
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On a été nourries de récits de vies perturbées ou brisées par des maternités imposées et je ne pouvais pas m’infliger cela ; il était hors de question de jouer avec l’idée qu’une femme peut sacrifier son avenir pour un enfant ; je ne pouvais pas me laisser réduire à ma condition biologique.
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Je voulais me tuer.
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Témoignage de Rachel

[...] Je suis allée voir ma gynécologue pour une visite de routine, Victoire devait avoir trois ans, Paul dix mois, et je n'avais toujours pas eu mon retour de couches. J'étais complètement épuisée et déboussolée mais je n'y réfléchissais pas trop ; quoi de plus normal que cette fatigue avec deux jeunes enfants ?
Je suis assez proche de ma gynécologue, alors on a parlé de tout ça, de la famille, de mon travail, de mon boss épouvantable. Puis je me suis déshabillée et je me suis allongée. Elle a commencé son examen, tout allait bien, et elle a voulu faire une échographie. Elle a calmement sorti sa sonde pendant que nous discutions, ajusté sa machine, puis elle a regardé son écran, avant de le retourner brusquement en criant : « Ne regarde pas.»
J'étais enceinte d'environ deux mois et je n'avais rien senti. Je suis tombée des nues.
Sa réaction spontanée a été de me rassurer, de m'expliquer que ce n'était pas grave et que tout se ferait simplement ; elle m'a indiqué la marche à suivre et donné les coordonnées de confrères à contacter. Elle était prévenante et s'efforçait de m'éviter de culpabiliser. Mathieu, qui, de toute façon, ne voulait pas d'un troisième enfant, a pris le relais. Dans les mêmes termes. À peu de chose près.
En quelques mots et pensant sincèrement m'aider en allant dans mon sens, ils ont planté en moi la certitude que l'avortement s'imposait, qu'aucune autre option n'était à envisager, et que c'était ce que je souhaitais.
Sonnée par cette situation inattendue, manipulée par la fatigue et les hormones, je me suis laissé porter. Personne n'a eu l'idée de me demander ce que je voulais faire, pas même moi.
Quand je repense à cette période, je me vois comme une marionnette, agissant par automatisme, sous hypnose. Aujourd'hui, je ne comprends pas pourquoi je ne me suis pas réveillée, pourquoi je n'ai pas arrêté tout ça.
J'ai le souvenir d'une seule pensée rationnelle au sein de ce magma émotionnel : je ne voulais pas que mon fils se sente écrasé par un bébé trop proche de lui. Mais je ne sais pas si c'est ce qui m'a réellement guidée à l'époque ou si c'est une justification à laquelle je me raccroche maintenant.
Ce dont je suis sûre, en revanche, c'est que, si c'était à refaire, je ne le referais pas. C'est un immense regret.
Au-delà, c'est aussi une décision que j'ai du mal à assumer car je trouve que cet avortement était en quelque sorte injustifié. J'étais enceinte de l'homme que j'aime et avec lequel j'avais déjà construit une famille magnifique ; cette grossesse était accidentelle, mais elle n'était pas catastrophique ; aucun obstacle ne nous empêchait d'avoir un autre enfant.
Tristesse, regrets, culpabilité : voilà donc de quoi ce boulet était fait.
Aujourd'hui j'en suis débarrassée mais je ne cesserai jamais de penser à cet enfant que je n'ai pas eu.
C'est un garçon et il a un prénom.
Quand regarde mon fils et ma fille assis sur un canapé, il est là, à côté d'eux.
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Témoignage d'Annie, quatre-vingt-dix ans :

C'était il y a cinquante ans.
Le patron de mon mari nous a donné les coordonnées d'un médecin.
Nous sommes allés le voir, il m'a auscultée et nous a donné un rendez-vous le lundi suivant, à 9 heures du matin, à la sortie d'une gare en banlieue parisienne.
Le jour prévu, nous avons déposé les enfants à l'école puis nous nous sommes dirigés vers l'endroit indiqué.
Nous avons retrouvé le médecin sur le parking et il a dit à mon mari : « Vous restez ici, je vous ramènerai votre femme dans quelques heures ».
Je l'ai suivi, il m'a bandé les yeux et la voiture a démarré.
Nous sommes arrivés devant une grande maison et une femme m'a guidée vers une petite pièce au premier étage.
Elle a fermé les doubles rideaux de toutes les fenêtres, ils m'ont endormie.
Quand je me suis réveillée, ce n'était pas tout à fait fini, le médecin était toujours en train de fourrager à l'intérieur de mon vagin.
Il a terminé puis m'a fait monter à un autre étage, dans une espèce de grenier et il m'a demandé : « Où est l'argent ? Où est l'argent ? »
Cela devait être l'équivalent de cinq cents ou six cents euros, je ne sais même pas comment nous avions fait pour rassembler cette somme.
Je lui ai répondu : « Je ne l'ai pas, c'est mon mari qui l'a ». J'étais encore dans les vapes mais il m'a alors demandé de redescendre. La femme m'a fait sortir de la maison par une autre porte que celle par laquelle j'étais entrée, elle m'a rebandé les yeux et m'a reconduite vers mon mari.
Il lui a donné l'argent, elle est repartie.
Je suis montée dans notre voiture et j'ai dit : « Ouf ! ».
J'avais envie d'un croissant.
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