AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,92

sur 39 notes
5
6 avis
4
8 avis
3
2 avis
2
1 avis
1
1 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Quel point de vue original que de passer par les yeux d'un chien, Rouslan, pour évoquer la brusque déstalinisation de l'URSS !

Staline est mort, le camp où Rouslan berger allemand gardait, surveillait les prisonniers, partait à la poursuite des évadés, les encerclait, les attaquait est démantelé.
Rouslan s'interroge et interprète mal les événements : s'agit-il d'une évasion collective ? Pourquoi son maître ne réagit-il pas ? Avec les autres chiens, il fait des allers-retours vers la gare attendant le prochain train amenant des prisonniers, son désarroi est total.

Il n'y a aucun anthropomorphisme ici, Gueorgui Vladimov nous fait entrer dans la tête du chien, tout est vu et interprété par lui.
Rouslan a été formé, façonné pour ce travail. Il a haute opinion des maîtres - il les classe en première place suivis des chiens et enfin seulement des prisonniers, ceux-ci sont vraiment idiots de vouloir s'évader, ils rêvent - les pauvres -d'une meilleure vie alors qu'au camp, ils sont choyés.
Rouslan a toutes les qualités : fidèle, obéissant, il a le sens de l'honneur, il excelle dans son métier qu'il accomplit avec sérieux.

Sa logique est implacable, l'auteur ne fait pas dire au chien ce qu'il pense lui, il ne montre pas d'empathie pour les prisonniers, il nous montre simplement ce que voit le chien.
Rouslan programmé par les hommes ne voit pas qu'il vit dans un monde cruel...

C'est un livre fort, éminemment critique envers le pouvoir, ce qui explique qu'il ne paraissait en URSS que sous forme de samizdat. Ces chiens ne sont-ils pas le reflet du bon citoyen soviétique, discipliné, loyal et conditionné ?

Pas de réflexions intellectuelles, l'auteur se limite aux faits et c'est violent, glacial même - ne vous attendez-pas à une fin heureuse - et en même temps lyrique.
Commenter  J’apprécie          574
Rouslan, fidèle et homme parfait ?
Vous n'y êtes pas du tout : Rouslan est un chien !
Mais attention, Rouslan n'est pas un animal de compagnie.
Il a été dressé, mais pas pour devenir un gentil toutou aimant. Parce que Rouslan a travaillé dans un camp.
Il a été dressé pour surveiller, dressé pour veiller à l'application des règles, dressé pour poursuivre les fuyards, dressé pour mordre, dressé pour faire peur, dressé pour tuer s'il le faut.
Rouslan est chien de garde d'un camp en Sibérie.
L'un des meilleurs.
Il fait partie de l'élite canine.
Il est né dans le camp, a grandi dans le camp, a travaillé toute sa vie dans le camp.
Alors quand celui-ci ferme et qu'il se retrouve abandonné par son maître qu'il vénère, propulsé dans le monde extérieur, dans un univers qu'il ne connaît pas et dont il ne soupçonnait même pas l'existence, vous imaginez son désarroi ?
Notre pauvre chien ne comprend pas ce qui lui arrive dans ce qui est la vraie vie pour nous, mais un monde étranger pour lui.

Gueorgui Vladimov dépeint l'univers concentrationnaire soviétique... vu par un chien ! Étonnant, non ?
En effet, l'auteur raconte la vie dans le camp, mais pas directement. Il le fait par l'intermédiaire de son personnage à quatre pattes.
C'est très habile, car plutôt que de nous livrer le récit détaillé de ce qui se passait dans le camp, il laisse parler Rouslan qui nous partage ses souvenirs, tandis qu'un narrateur extérieur, en racontant la nouvelle vie du chien nous fait comprendre ce qu'il a vécu avant la fermeture.
Tout est ainsi narré de façon indirecte, à hauteur de vue de l'animal, à travers la compréhension qu'il a des événements.
Cette façon de faire est très efficace, et les horreurs que l'on découvre nous apparaissent bien plus nettement que si elles avaient été décrites directement.
Ce que dénonce Gueorgui Vladimov est abominable et on comprend qu'il se soit attiré des ennuis !
La lecture terminée, on a envie de crier la citation de Maxime Gorki extraite de son ouvrage Les barbares et mise en exergue dans Le fidèle Rouslan : « Qu'avez-vous fait là, messieurs ! »

Écrit au début des années soixante, Le fidèle Rouslan fut impossible à publier en URSS. Il circula sous le manteau dans des éditions clandestines et beaucoup en attribuèrent la paternité à Soljenitsyne.
Ce n'est qu'en 1975 qu'il fut publié en Allemagne, anonymement pour protéger son auteur.
En 1979, il fut traduit en anglais et d'autres langues, mais il ne sera pas publié en URSS avant la pérestroïka.
Dans son excellente préface, Owen Matthews dit de l'auteur : "Il croyait fermement qu'une société apprend de son Histoire et qu'il n'y a pas d'avenir tant qu'on ne s'est pas confronté à son passé."
Avec son fidèle Rouslan, Gueorgui Vladimov, comme Soljenitsyne et d'autres écrivains dissidents, a largement apporté sa contribution à l'avenir de la société russe.

Un livre original au contenu très fort.
Commenter  J’apprécie          465
Les rouages pervers du système du goulag vu à travers les yeux d'un chien. Un point de départ original qui m'a décidé à postuler pour cette Masse Critique de janvier.

On dit souvent que le chien est le meilleur ami de l'homme, mais la réciproque est loin d'être vraie. Cette histoire le démontre d'ailleurs.

Gueorgui Vladimov décrit un monde clos et une vision très limitée du choix de ce personnage principal peu commun. On découvre alors à quel point cet "individu" a été formaté dès sa naissance pour être incapable de penser en dehors du système, ce qui le rend complètement paranoïaque.
Dressé pour haïr, voilà comment on pourrait résumer la vie de ce chien. Alors quand Rouslan est mis en retraite anticipée… C'est une catastrophe ! Il est totalement perdu, sans aucun repère hors de la vie cadrée par les barbelés. Il doit réapprendre à ne plus dépendre de ses chefs. Mais voilà, la cruauté systématique imposée par ce système concentrationnaire et politique s'avère être un cercle vicieux. de là, l'auteur démontre l'absurdité du système soviétique. Malgré cela, jusqu'au bout, le fanatisme de Rouslan et le culte de ses chefs restera sans failles.

L'auteur a choisi d'alterner narrateur omniscient et focalisation interne, cette distance narrative créé bien sûr l'ironie et met en relief les failles de ce système totalitaire. Mais ce procédé rend aussi parfois la narration très confuse ! Je ne peux pas nier qu'il y a des moments où je me suis ennuyée à la lecture de certains passages. Toutefois, les scènes décrites, souvent très violentes (marque du made in Russia par excellence!) sont très émouvantes, la description et la dénonciation des rouages du système si bien vues et le message fort contenu dans ce roman font qu'il serait malhonnête de ma part de mettre moins de 4 étoiles.

Pour tout cela je tiens à remercier Babelio et les éditions Belfond.
Commenter  J’apprécie          330
Rouslan vit et travaille dans un goulag. Il a été formé pour surveiller les prisonniers, aider à retrouver ceux qui tentent de s'évader, et bien sûr obéir à son maître, gardien dans le même camp que Rouslan. Après la mort de Staline, ce camp ferme, ses prisonniers le quittent du jour au lendemain, les barbelés puis les miradors disparaissent aussi.

L'auteur raconte le désarroi du chien Rouslan face à cet événement auquel il n'a pas été préparé. Il n'est pas sûr que Rouslan parvienne à se « reconvertir », ni même qu'il essaie de le faire, lui qui ne désespère pas de pouvoir un jour reprendre du service. Peut-être en aura-t-il l'occasion ?

La vision d'un camp de prisonniers à travers le regard d'un chien permet à Vladimov de procéder à un rapprochement entre cet animal et les humains qui y vivent.
Malgré son zèle et son manque de pitié, ce chien m'a finalement semblé beaucoup plus sympathique que les humains qui l'ont dressé.
C'est en fait un portrait très peu flatteur des hommes qu'esquisse Vladimov par son récit. Il critique aussi sévèrement, mais de manière voilée en le tournant en dérision, le système politique qui a condamné des milliers de Russes aux travaux forcés pendant plusieurs décennies.
De fait, les zeks* n'étaient souvent coupables que d'exister (et d'être une main-d'oeuvre bon marché).

Il n'est donc guère surprenant que ce roman, écrit au début des années 1960, n'ait pu être d'abord publié que clandestinement en 1973 en Allemagne. Il n'est pas étonnant non plus que son auteur ait dû émigrer en Allemagne de l'Ouest en 1983.

Malgré quelques longueurs, j'ai beaucoup aimé ce livre. le lecteur est invité à réfléchir sur le système concentrationnaire, ainsi que sur la nature de l'être humain, capable de l'avoir créé et/ou d'y participer.
Dans l'édition Belfond, une préface de neuf pages situent l'auteur et son roman dans leur contexte historique.

--- Un grand merci à Babelio et aux éditions Belfond qui m'ont donné envie de découvrir d'autres ouvrages de cet auteur.

* abréviation de « zaklioutchonni kanaloarmiets » (« Заключëнный каналoармец » : « soldats détenus de l'armée du canal »), du nom de prisonniers qui ont participé à la construction du canal de la mer Blanche.
Commenter  J’apprécie          130
Rouslan est le Chien parmi les chiens.Rouslan est un chien de garde qui fait son métier de la meilleur des façon possible par fidélité à son maitre. En revanche, les autres chiens bien que dociles et obéissants au tyran et au système qui les ont éduqués sont faibles et agressifs, mais comment leur en vouloir il ne sont que des hommes.
Commenter  J’apprécie          90
Je n'ai aucun souvenir des circonstances qui m'ont amené à lire ce livre. Par contre, le jour où j'ai retrouvé dans mes affaires ce fanion et ces pins soviétiques, offerts par mon grand-père il y a bien longtemps ‘car oui je suis assez vieux pour avoir connu l'URSS), j'ai immédiatement pensé à ce brave Rouslan pour qui il constituerait un allié photographique de choix.

Sibérie, début des années 1960. Rouslan est chien de garde dans un goulag. Il a été formé pour surveiller les prisonniers et aider à retrouver ceux qui tenteraient de s'évader. Il n'a toujours connu que ce travail, qu'il exerce d'ailleurs avec une redoutable efficacité. Mais tout va changer à la mort de Staline. le camp ferme et les prisonniers s'en vont. Son maître même lui donne congé. Comment Rouslan va-t-il faire face à cet évènement auquel rien de l'a préparé ?

Rouslan a été écrit par un dissident du régime soviétique. Il nous montre, à hauteur de chien, toute l'absurdité du système politique ayant conduit au goulag. Dressé pour obéir, pour haïr les prisonniers, Rouslan va perdre tout ses repères hors du cadre strict du camp. D'ailleurs, si d'autres chiens tentent de « se reconvertir » auprès des civils pour obtenir un peu de nourriture, lui ne désespère pas de parvenir un jour à reprendre du service.

En bref, un livre au point de vue très original qui fait réfléchir et qui dénonce les limites du système totalitaire soviétique avec beaucoup d'ironie, non sans être parfois aussi émouvant. A ne pas rater !
Lien : https://instagram.com/Mangeu..
Commenter  J’apprécie          60
À hauteur de chien de garde.
Le Fidèle Rouslan se présente comme un roman où le narrateur possède la faculté d'être à la fois humain et de pouvoir rentrer dans l'esprit d'un chien. On connaît donc l'intrigue par l'intermédiaire de ce que l'animal comprend. Rouslan est un chien de garde modèle de l'univers concentrationnaire soviétique. Contrairement à ce qu'on pourrait attendre, l'histoire se déroule juste à la suite de la sortie des camps et de la déstalinisation. Rouslan sort du camp sans trop comprendre ce qui se passe et continue de vivre au rythme de sa vie antérieure. Il interprète les faits et gestes des « bipèdes humains » en fonctions des directives qu'il a assimilées et fait appliquer par automatisme. On se trouve ainsi devant une vision particulière du goulag par un chien qui voit le monde comme une sorte de grand camp et par un décalage temporel entre le temps de la narration et le temps du camp, décalage qui est parfois à l'origine d'une sorte d'humour glaçant. On y sent aussi l'allégorie qu'on ne sort jamais totalement d'un camp.
Cependant, on peut déceler un second thème étroitement lié au premier : celui de l'appel de la vie sauvage. En effet, en dehors du camp et sans la tutelle du maître, Rouslan ressent l'appel de la forêt, l'appel d'une vie axée sur la recherche de nourriture et de proies, de la lutte pour se les approprier, l'appel de la liberté. Alors, se fait jour un combat intérieur entre le besoin de répondre à ses instincts et l'orgueil de « rester fidèle au nécessités du Service », entre l'inconnu palpitant mais déstabilisant et les habitudes ennuyantes mais sécurisantes. Quel sera son choix ?
On tient avec le Fidèle Rouslan, un roman original, bien construit, qui demande à être lu jusqu'à la fin et dont la force se manifeste davantage par sa capacité d'évocation que par la description d'images ou de faits cruels, horribles ou monstrueux qui sont le lot de bien des romans de littérature concentrationnaire.
Commenter  J’apprécie          50
"Dans ce petit square -tout comme au terrain d'exercice- deux hommes sans vie, couleur gamelle d'aluminium, se tiennent perchés Dieu sait pourquoi sur des socles : l'un, sans bonnet, à le bras tendu en avant, la bouche ouverte, comme s'il venait de jeter sa canne et s'apprêtait à ordonner : "rapporte!"; l'autre, coiffé d'une casquette, ne montre rien du bras mais a la main glissée sous le revers de sa tunique d'uniforme : tout, dans sa personne, laisse entendre que c'est à lui qu'il faut "rapporter"."

Ecrit dans les années 1960, le fidèle Rouslan a circulé en URSS sous forme de samizdat avant de paraître anonymement en Allemagne en 1975.

Rouslan est chien de garde dans un camp du goulag. Après la mort de Staline (1953), les camps sont fermés petit à petit et les prisonniers libérés. du jour au lendemain Rouslan se retrouve sans emploi et sans comprendre ce qui lui arrive. Alors qu'il tente de survivre et de donner un sens aux événements il se souvient de l'époque de son dressage et des années de Service qui ont suivi.

A travers le personnage de Rouslan l'auteur nous présente la répression dans un camp du goulag, la mise au pas des prisonniers par la terreur. le roman montre aussi comment, même après la libération physique, le formatage effectué sur les détenus et leurs gardiens, les violences qu'ils ont subies ou fait subir, les empêchent de s'adapter à une autre vie. L'interprétation personnelle que fait Rouslan des événements permet à l'auteur de jeter un regard sarcastique sur le régime totalitaire soviétique. J'ai apprécié cette lecture.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (98) Voir plus




{* *}