Quel point de vue original que de passer par les yeux d'un chien, Rouslan, pour évoquer la brusque déstalinisation de l'URSS !
Staline est mort, le camp où Rouslan berger allemand gardait, surveillait les prisonniers, partait à la poursuite des évadés, les encerclait, les attaquait est démantelé.
Rouslan s'interroge et interprète mal les événements : s'agit-il d'une évasion collective ? Pourquoi son maître ne réagit-il pas ? Avec les autres chiens, il fait des allers-retours vers la gare attendant le prochain train amenant des prisonniers, son désarroi est total.
Il n'y a aucun anthropomorphisme ici,
Gueorgui Vladimov nous fait entrer dans la tête du chien, tout est vu et interprété par lui.
Rouslan a été formé, façonné pour ce travail. Il a haute opinion des maîtres - il les classe en première place suivis des chiens et enfin seulement des prisonniers, ceux-ci sont vraiment idiots de vouloir s'évader, ils rêvent - les pauvres -d'une meilleure vie alors qu'au camp, ils sont choyés.
Rouslan a toutes les qualités : fidèle, obéissant, il a le sens de l'honneur, il excelle dans son métier qu'il accomplit avec sérieux.
Sa logique est implacable, l'auteur ne fait pas dire au chien ce qu'il pense lui, il ne montre pas d'empathie pour les prisonniers, il nous montre simplement ce que voit le chien.
Rouslan programmé par les hommes ne voit pas qu'il vit dans un monde cruel...
C'est un livre fort, éminemment critique envers le pouvoir, ce qui explique qu'il ne paraissait en URSS que sous forme de samizdat. Ces chiens ne sont-ils pas le reflet du bon citoyen soviétique, discipliné, loyal et conditionné ?
Pas de réflexions intellectuelles, l'auteur se limite aux faits et c'est violent, glacial même - ne vous attendez-pas à une fin heureuse - et en même temps lyrique.