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Critique de Denis_76


L'Ingénu, bien que moins connu, est pour moi, un des plus beaux romans De Voltaire !
Bretagne, 1689. Sapé d'un petit spencer, un beau Huron musclé débarque d'un vaisseau anglais sur la côte. Parlant anglais et français, il se lie avec l'abbé de Kerkabon et sa soeur. Il leur fait cadeau d'un médaillon sur lequel ils reconnaissent leur frère capitaine, dont ils sont sans nouvelles : l'Ingénu est leur neveu !
A un dîner où sont conviés "l'interrogant" bailli, le receveur, et les voisins l'abbé de Saint-Yves et sa soeur, c'est le coup de foudre !
Lors de la discussion à table, il s'avère que l'Ingénu, n'ayant lu que la Bible, et non instruit des us de la société française, n'a pas les vices de celle-ci. N'étant pas dans l'orgueil, il reconnait aisément ses erreurs, mais il met souvent les invités devant leurs contradictions !
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A partir de là, Voltaire, par le truchement d'un étranger, ingénu aux yeux neufs, s'en donne à coeur joie pour critiquer les absurdités des usages de la bonne société.
La religion en prend pour son grade, ne respectant pas les codes de sa référence, la Bible. Il y a la scène comique du baptême, puis les codes du mariage qui sont tournés en dérision.
Les conventions sociales ne sont pas épargnées : l'interrogant (qui interroge avec arrogance ) bailli veut la belle Saint-Yves pour son fils : il la "protège" des assiduités" de l'Ingénu en la mettant au couvent. Trouvant cela ridicule, après avoir songé à mettre le feu au couvent, l'Ingénu monte à Versailles pour parler au roi.
Les barrières de l'administration en prennent pour leur grade : longueur d'attente dans les cabinets, impossibilité de voir les sollicités, pris pour une affaire de la plus haute importance avec la baronne De..., ou la marquise Du...
Vanité, avidité, incompétence et lubricité vont de mèche.
Et la religion en prend encore un coup : un espion jésuite a rapporté à la Cour avoir entendu une conversation du Huron avec des réformés en trajet, à Saumur. Or l'Edit de Nantes sur la liberté de culte vient d'être révoqué par Louis XIV, et les dragonnades vont bon train.
De plus, le perfide interrogant bailli a dénoncé à la Cour la volonté de l'Ingénu de mettre le feu au couvent.
Il n'en faut pas plus pour embastiller l'Ingénu sur lettre de cachet, sans jugement... : la justice expéditive, dont la charge est achetée par des novices, passe aussi à la moulinette de notre philosophe !
En prison, l'Ingénu discute avec un vieux janséniste embastillé, qui lui ouvre des yeux sur tous les vices et corruptions de la haute société française, car depuis plus d'un demi-siècle, la guerre fait rage entre les jansénistes de Port-Royal et les jésuites hypocrites auxquels s'est rallié le roi. On peut rapprocher ce passage des "Provinciales" de Pascal.
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Là encore, comme dans plusieurs contes ou romans De Voltaire, les "bons" héros, l'Ingénu et la belle saint-Yves, parce qu'ils disent tout haut la Vérité, doivent franchir maints obstacles pour se retrouver...

Celui qui dit
La Vérité,
Il sera exécuté.
( Guy Béart ).
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