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Critique de elisecorbani


Attirée par la littérature russe depuis mon adolescence, je me suis rendue compte que j'avais lu beaucoup d'auteurs russes ou soviétiques mais... pas une seule autrice, à part un petit texte de Tsvetaeva sur la peintre Gontcharova. Ce livre à la belle couverture de Suzanne Valadon m'a été révélé par la magie de ma boîte à livres préférée. Ô joie ! Je l'ai lu avec bonheur. C'est un très beau livre qui mérite d'être connu.

J'ai découvert avec curiosité Julia Voznesenskaya, femme de lettres ayant connu l'internement en Sibérie avant de quitter la Russie dans les années 80. Elle a écrit d'autres romans, notamment pour la jeunesse, et Wikipedia lui prête une sensibilité chrétienne. Malheureusement je n'ai pas l'impression que l'on puisse trouver en français autre chose de sa plume que ce Décaméron des femmes, qui semble avoir eu un certain succès lors de sa publication en 1985. 1988 pour sa traduction française.

L'autrice s'inspire du procédé littéraire mis en oeuvre par Bocacce dans le Décaméron pour faire défiler morceaux de vie et anecdotes, terribles, sincères, drôles et/absurdes. Dans le huis clos d'une maternité de Leningrad 10 femmes isolées pendant 10 jours par une quarantaine se relaient pour partager avec le lecteur leurs récits. Difficile de lâcher le livre une fois qu'on y est entré, tant les 100 récits s'enchaînent avec fluidité. Les portraits de ces femmes qui sortent de l'ombre progressivement, et les parcours de vie qui s'esquissent touchent au coeur.

La plume de Julia Voznesenskaya restitue les émotions et l'humour de ses personnages dont le visage se dessine avec leurs traits de caractère et les stigmates de leurs drames intimes, grâce à la direction d'un narrateur metteur en scène. D'ailleurs le roman a été adapté au théâtre dans les années 1998 : on imagine sans peine voir sur scène ce cercle de femmes.
Femmes qui n'ont pas grand chose en commun à part la grande toile de fond de l'union soviétique.

Vu de France en 2023, la grande guerre patriotique, les camps de concentration et le goulag, les pénuries, la vie en appartement communautaire peuvent nous sembler lointains.
Cependant nous retrouvons l'universel dans le choeur de ces femmes. Premier amour, agressions sexuelles, vie conjugale et familiale, naïveté et pardon, déceptions et trahisons, vengeance et amitié, surprises de la vie bonne ou mauvaises...

Entre l'ouvrière, la secrétaire, l'ingénieure, la professeure de musique, l'ancienne zek, l'hôtesse de l'air, la cadre du Parti, la dissidente, la femme de théâtre... Une sororité et une forme d'espérance se partagent.
Une forme de #meetoo soviétique mais surtout une belle découverte littéraire.

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