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Critique de Bookycooky


66 ans aprés les faits, un homme est arrêté, suite à sa tentative pour dérober le costume que portait Jorge Eliécer Gaitán, politicien, mythe national, à son assassinat le 9 avril 1948 ( " jour légendaire"dans l'histoire colombienne ), de son ancienne maison désormais transformée en musée. Geste étrange,-"nulle part je n'ai trouvé la moindre spéculation, ne serait-ce qu'infondée, sur les motifs qui peuvent pousser un homme doué de raison à faire irruption dans un musée sous surveillance pour subtiliser la veste trouée d'un mort célèbre"-. Il s'appelle Carlos Carballo, un passionné de reliques ("une obsession qui frise l'irrationnel "), personnage très spécial, mais non unique dans son genre. C'est en partie son histoire que nous raconte ici notre narrateur, qui n'est autre que l'auteur. C'est autobiographique, tous les faits et noms ont existé.
Ce meurtre du 9 avril 1948, est en faites un tournant dans l'histoire de la Colombie, "le 9 avril représente un vide dans l'histoire colombienne, mais aussi de nombreuses autres choses : c'est un acte isolé qui a précipité tout un peuple dans une guerre sanglante, une névrose collective qui nous a poussés à nous méfier de nous-mêmes pendant plus d'un demi-siècle."
Vásquez est un génie pour éveiller notre curiosité. Dés les premières pages, il entrouvre une porte pour nous faire voir, soi-disant ce qui se cache derrière l'incident. Ce n'est que la première des multiples portes qui vont s'ouvrir, chaque porte s'ouvrant sur une autre, à la rencontre de personnages très particuliers, avec la promesse finale d'arriver à l'incident qui débute l'histoire ("un épouvantable engrenage qui ne devait s'arrêter qu'avec ce livre"). Inutile de vous dire que c'est passionnant. L'auteur y pose toutes sortes de questions existentielles face à un climat de terreur, qui ravage la Colombie dans les années 1980-90, où la mort peut toucher n'importe qui à n'importe quel moment, questionnant les limites de nos responsabilités -où commencent-elles et où se terminent-elles?- dans cette société dysfonctionnelle où les racines des maux sont multiples et profondes, un sujet terriblement d'actualité. Il nous met aussi face à la contradiction, l'ambiguïté et la dualité du caractère humain, le meurtrier, "le fanatique et le froussard", la victime, "un défenseur des libertés, pourtant il venait de faire sortir de prison l'assassin d'un journaliste"....rien n'est simple, par commencer par nous-mêmes.
"C'est une confession autobiographique et une réflexion sur l'héritage de la violence" ,les propres paroles de Vasquez, cette violence qu' hériteront ses filles jumelles . Mélangeant fiction et réalité avec des photos à l'appui, ravivant les fantômes du passé, l'auteur cherche la ou les vérités enterrées sous l'histoire officielle de deux meurtres celui de Gaitan et celui du général Rafael Uribe en 1914. Dans le même style que Javier Cercas à travers sa propre enquête et logique il creuse et déterre minutieusement " le corps des ruines", ces reliques de la violence qui fascinent plus d'un, pour éclairer les zones sombres des événements importants de l'Histoire et de sa propre histoire et arriver à "une ou des vérités" , qu'il pourrait transmettre aux nouvelles générations. L'imposture que Vasquez déclame haut et fort concernant ces meurtres perpétrés et maquillés au vu et au su de tous, cachant une conspiration de grande envergure n'est pas propre à la Colombie,ni au siècle dernier et est malheureusement toujours d'actualité.
La prose de Vásquez est sublime dont le mérite en partie revient à la traduction, et le texte regorge de références littéraires, une aubaine pour tous les passionnés de Littérature. Un livre très fort qui dénonce l'injustice tout court.


"..,,parce que le passé est contenu dans le présent, ou que le passé est un legs qu'il ne nous est pas possible d'inventorier, de sorte qu'au bout du compte, on hérite de tout : sagesse et démesure, réussites et erreurs, innocence et crimes."
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