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Critique de Eve-Yeshe


Le 20 février 1933 vingt-quatre grands patrons sont conviés au palais du président de l'assemblée, le parti nazi a besoin d'argent pour sa campagne et leur demande de mettre la main à la poche, ce qu'ils vont faire : Opel, Krupp, Siemens etc…

Quelques années plus tard, bien installé au pouvoir, Hitler après avoir mis son pays au pas, veut étendre son emprise sur l'Europe, variant les stratégies, les visites de courtoisie ( avec Halifax) alternant avec les manoeuvres d'intimidations, tendu vers un objectif : augmenter l'espace vital en annexant l'Autriche et la Tchécoslovaquie.

L'entrevue du Berghof entre le chancelier autrichien Schuschnigg, lui-même dictateur patenté, est une véritable scène d'anthologie : ce dernier arrive en tenue de skieur pour passer inaperçu et se rend compte trop tard, qu'il est tombé dans un piège.

« Ainsi, pendant que l'Autriche agonise, son chancelier, déguisé en skieur, s'éclipse de nuit pour un improbable voyage, et les Autrichiens font la fête. » P 35

Durant, l'entrevue, Hitler insulte l'Autriche, vocifère, humilie le chancelier autrichien qui reste médusé et ne tente même pas de discuter ou de justifier quoi que ce soit. le führer veut lui extorquer un traité pour justifier l'annexion, et il assure vouloir négocier tout en affirmant qu'il ne changera pas le moindre détail du texte déjà écrit !

Tous les postes-clés du gouvernement autrichien seront aux mains de nazis patentés, notamment Seys-Inquart en tant que ministre de l'intérieur qui occupera les postes les plus prestigieux et qu'on retrouvera au procès de Nuremberg, où il affirmera n'avoir rien fait !

L'armée allemande va donc foncer vers l'Autriche, telle un rouleau compresseur, accueillie par la foule en liesse (on a pris bien soin d'éliminer tout opposant) mais, la machine bien huilée soudain se met à tousser : une panne générale paralyse toute la progression !

Eric Vuillard décrit avec talent, la machine de propagande mise en place par Goebbels, le comportement vulgaire de von Ribbentrop lors d'un dîner chez Chamberlain, où il va monopoliser la parole, alors que la courtoisie de ses hôtes les empêche de le mettre à la porte. de retour dans sa voiture, il éclate de rire, la manoeuvre a réussi : au même moment l'Autriche est envahie.

Ce livre relate le déroulement de l'Anschluss dans les détails, explorant le comportement de Goering, les écoutes trafiquées, toute la désinformation et la manipulation de la foule qui a accueilli « ses libérateurs » et en même temps rend hommage à ceux qui ont compris ce qui se passait : « il y eut plus de mille sept cents suicides en une seule semaine. Bientôt, annoncer un suicide dans la presse deviendra un acte de résistance. » P 135

Eric Vuillard alterne le récit chronologique et ce qu'il adviendra plus tard des protagonistes : le procès de Nuremberg, le devenir de Schuschnigg, celui des patrons qui sont allés puiser de la main d'oeuvre dans les camps de concentration, pour faire tourner leurs usines, mais qui tombent des nues, ils ne savaient rien ! ces mêmes patrons qui ont financé les nazis, vont rechigner sans vergogne lorsqu'il s'agira d'indemniser les survivants…

Je retiens aussi cette anecdote assez savoureuse : en arrivant à Berschtesgaden, Lord Halifax en descendant de sa voiture, ôte son manteau et le remet à celui qu'il croit être un valet et n'est autre que Hitler himself !

Enfin, Eric Vuillard fait une allusion emplie de symbole à Louis Soutter dans son asile de Ballaigues « en train de dessiner avec les doigts sur une nappe en papier un de ses danses obscures. Des pantins hideux et terribles s'agitent à l'horizon du monde où roule un soleil noir. Ils courent et fuient en tous sens, surgissant de la brume, squelettes, fantômes. » P 49

Vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé ce récit historique traitant d'une période de l'Histoire qui m'intéresse ; il est venu combler quelques-unes de mes lacunes dans le déroulé de l'Anschluss. le style de l'auteur me plaît, ainsi que sa manière de raconter, ses phrases qui percutent et retransmettent bien le langage incisif, brutal du Troisième Reich.

Je comprends que les avis puissent diverger car il s'adresse davantage aux amoureux de l'Histoire…
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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