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Critique de Soleney


Premier roman de Chris Vuklisevic, qui n'est rien de moins que le finaliste du concours du concours d'écriture organisé par les éditions Folio à l'occasion de leur vingtième anniversaire ! Un titre qui a reçu un très bon accueil et accordé à son autrice une renommée confortable au sein des littératures de l'imaginaire – succès largement mérité.

Pour un premier ouvrage, Chris Vuklisevic s'en tire avec les honneurs : elle livre ici un récit sombre et dense, mené tambour battant, mais également un univers finement construit en seulement 350 pages. Toute l'histoire tient sur une île coupée du monde sur laquelle les règles sociales sont extrêmement strictes (nécessité faisant loi) : interdiction de consommer plus que sa ration d'eau quotidienne, chaque naissance doit s'accompagner d'une mort, chaque malformation est passible de la peine capitale, un trop grand pouvoir exige de se constituer prisonnier – à vie.
Quand soudain : un bateau à l'horizon… Après des siècles d'autarcie, l'isolement prend fin.

Derniers jours d'un monde oublié est un roman choral dont les chapitres sont subdivisés entre trois narrateurices : la sorcière, la pirate et le vieux marchand. Trois personnages qui seront au premier plan des événements à venir. Trois humains imparfaits, avec des objectifs troubles, une morale discutable et une volonté de fer. Trois protagonistes fascinants, tour à tour glaçants et touchants…
Intercalé entre deux chapitres, interviennent également des coupures de journaux, des annonces ou des compte-rendu permettant de compléter les points de vue. Des informations qui concernent l'histoire de Sheltel ou sa géopolitique, donnant un nouvel éclairage sur le présent (et faisant souvent froid dans le dos…).
L'habileté de l'autrice tient au fait de nous pousser aux limites de notre empathie. Sachez qu'elle vous présentera des personnages moralement douteux, dotés d'un fond d'humanité, et coincés dans des situations monstrueuses. Aux côtés d'Erika, Arthur et Nawomi, j'ai sans cesse oscillé entre l'indignation et la compassion, l'empathie et la révolte… Les événements s'enchaînent implacablement, chacun entraînant le suivant dans une danse mortelle. Âmes sensibles s'abstenir : parmi les triggers warnings, on peut citer la torture, le viol et l'inceste.

Très bien construit, ce roman n'en possède pas moins quelques faiblesses : le début s'est avéré un peu lent, la fin un peu précipitée. Passée la moitié, les personnages ont une évolution psychologique abrupte, s'avouant sans pudeur des failles très humaines qui les éloignent de la façade froide et logique que l'autrice avait initialement tissée.

Par ailleurs, lecteurs et lectrice en recherche d'un « hard magic system » (une magie logique, expliquée, justifiée), passez votre chemin : les clés de cet univers ne vous seront pas données. Vous ne saurez pas pourquoi la Grande Nuit, ni comment Sheltel fut coupée du monde, ni pourquoi cet isolement prend fin, ni même d'où vient la magie, ou pourquoi cette étrange histoire de tatouage vivant… Sheltel (et cela pourrait être un peu frustrant), c'est un univers qu'on accepte tel quel. Sheltel restera une île mystérieuse et secrète…

En résumé, c'est un premier roman de qualité qui annonce une plume talentueuse ! Des personnages fascinants, une histoire très noire et un univers habilement construit en un minimum de pages ! Derniers jours d'un monde oublié représente tout ce que j'aime dans les littératures de l'imaginaire : il pousse ses personnages vers le pire d'eux-mêmes et pose la question des limites de notre humanité… Quelques faiblesses à regretter, mais qui s'estomperont peut-être avec la pratique. Chris Vuklisevic mérite sans aucun doute sa place au sein des éditions Folio.
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