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Critique de SZRAMOWO


Roldan est un roman écrit en 1994.
Franco est mort en 1976.
De 1976 à 1981, Adolfo Suárez dirige la démocratisation du pays et incarne l'esprit de consensus qui caractérisa la transition espagnole, où à coup de pactes, le plus célèbre étant celui de Tolède, on associe toutes les composantes politiques y compris les communistes, aux grandes orientations qui vont relever le pays.
La transition, dite démocratique, a produit une Espagne nouvelle, fière, travailleuse, radieuse, bon enfant, débarrassée de son complexe de pays pauvre et résolument tournée vers son avenir Européen.
A partir de 1982, et pendant 13 ans 5 mois et 13 jours, Felipe Gonzalès, un socialiste, va présider le gouvernement avec l'aval du Roi Juan Carlos.
Le pays peut pavoiser et renvoyer les donneurs de leçon à leurs pupitres....
Hélas, ce que veut montrer le roman Roldan ni mort ni vif, c'est qu'à partir des années 1990, le bel élan se grippe. le pouvoir corrompt a-t-on l'habitude de dire, même les socialistes.
Car, pour échapper aux purges, les anciens franquistes ont su se reconvertir, montrer patte blanche et prendre en marche le train de la démocratie, même s'ils n'y connaissaient pas grand chose.
"L'absence de racines idéologiques et théoriques lui avait permis de grandir à l'intérieur de ce parti à la fois vieux et jeune, qui allait être une alternative de pouvoir et qui avait besoin de centaines de Roldan avec un chronomètre à la main, de centaines d'« horlogers » convaincus que la modernité commençait par mettre en doute la finalité de la classe ouvrière, quand ce n'était pas son existence même. Des centaines de managers de la politique avec un emballage de gauche, mais qui n'avait de sens que comme promotion personnelle. Sans idées, sans scrupules, ils seraient bientôt gênés par les témoignages de leur innocence passée, affective et symbolique, et ils changeraient de voiture, de tailleur, de coiffeur, d'épouse."
Roman de la dérision, roman de la désillusion, roman plus que réaliste malgré sa symbolique, Roldan ni mort ni vif est le roman où Montalban vire sa cutie.
Il y traite d'une affaire, toute fraiche lorsqu'il publie son roman, qui a ébranlé la classe politique et, est à l'origine de la défiance de la société civile espagnole pour le PSOE et de sa déroute électorale en 1996.
Luís Roldán, ex-directeur de la Garde Civile de 1986 à 1993, accusé de détournements de fonds fut également l'initiateur de ce que l'on a appelé en Espagne la "guerre sale" contre le terrorisme de l'ETA avec l'apparition des GAL. Arrêté à Bangkok en 1995, il fut condamné à 28 puis 31 ans de prison en appel. Il fut libéré en 2005 et interviewé sur Télé 5 en 2008.
Dans le roman, Roldan disparait, et Pepe va le chercher jusqu'à Damas via Jerusalem.
Outre le fait qu'une grande partie de l'action se déroule dans les égouts, l'allégorie retenue par Montalban, est que pour occulter le rôle de Roldan, le pouvoir, au sens le plus large, c'est à dire le pouvoir et ses officines les plus officieuses, décide de recruter des sosies de Roldan et les dissémine à travers le pays. Plus personne ne sait qui est qui, chaque Roldan essayant de faire plus Roldan que Roldan.
Une façon de dire que la corruption gangrène tous le pays, ou de dire que pour ne plus être corrompu il faut convaincre l'opinion que tout le monde est corrompu, que la corruption est la norme...
Roman court, didactique et puissant, roman très actuel, qui nous renvoie aux luttes pour le pouvoir, à la judiciarisation de la vie politique, et aux combats politiques dérisoires qui ont pour seul objectif son propre avenir alors que le pays est en proie aux démons les plus malsains, et que l'Europe chavire.

Laissons la conclusion à Manuel Vazquez Montalban qui, avec le sens de la formule qui est le sien déclara au cours d'une interview, laissant sans voix le journaliste chargé de lui couper la chique :

« de la même façon que le roman d'espionnage reflète le sous-sol de l'histoire, le roman noir reflète le sous-sol de la société. »

Avec Roldan, au sens propre et au figuré, nous sommes au trente-sixième sous-sol de la société, de notre société.

A lire pour ceux qui sont d'accord avec cette formule !
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