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Critique de Pecosa


Il n'y a que Manuel Vázquez Montalbán pour traiter avec autant d'humour et d'apparente légèreté du cas « Luis Roldán », ex membre du PSOE, ex directeur général de la Guardia Civil, impliqué dans une affaire colossale de corruption, de détournement de fonds, d'escroquerie, ainsi que dans une guerre bien sale contre l'ETA via le GAL… Je vous la fais courte car la liste de ses malversations est longue comme un jour sans pain.
On dit donc de lui qu'il escroqua l'Espagne, et tua le PSOE.
Luis Roldán prit la fuite en 1994, se rendit l'année suivante, fut condamné à 28 ans de prison. Il est sorti en 2010.

Roldán, ni mort, ni vif, est un état des lieux d'un pays malade de la corruption à travers une enquête enlevée du privé gastronome Pepe Carvalho et de son adjoint Biscuter qui partent à la recherche de l'homme le plus recherché du pays, et des 400 millions de pesetas barbotés. Mais ceux qui veulent qu'il demeure introuvable sont bien plus nombreux que ceux qui veulent connaître toute la vérité. De Barcelone à Saragosse, de Damas à Jérusalem, Carvalho fouine sans oublier de s'arrêter dans les bons restos placés sur sa route.

Vázquez Montalbán a écrit le roman en 1994 pendant la cavale de L'homme aux mille visages dont on disait qu'il avait des sosies disséminés sur toute la Péninsule pour brouiller les pistes.
Ce n'est pas tant à la résolution de la disparition de Roldán qui l'intéresse mais le constat lucide et désabusé du monde politique espagnol, bâti sur une dictature badigeonnée d'un vernis de démocratie où les mêmes sont aux manettes et où les scandales politico-financiers se succèdent.
Les investigations de Carvalho se déroulent la plupart du temps dans les égouts et les sous-sols, et c'est vrai que ça pue la merde à tous les étages.

« Madrid fut d'abord une ville d'un million de cadavres dans les années quarante, selon une métaphore poétique de Dámaso Alonso, qui s'angoissait devant cette ville d'une après-guerre cruelle, pleine de messieurs féodaux et fascistes qui piétinaient tout ce qu'ils avaient vaincu. Puis ce fut la ville d'un million de gilets et de Ford Granada, quand la démocratie porta au pouvoir les trentenaires des années soixante-dix, qui comblèrent le vide du franquisme avec la subtilité du libéralisme central, centriste et centré. Actuellement, c'était la ville d'un million d'égouts, hantés par les bandes secrètes de tous les royaumes de Taifas du pouvoir politique, économique, militaire, multinational. »

A priori, le roman peut sembler austère, trèèès sérieux, et pas marrant, mais il n'en est rien. Manuel Vázquez Montalbán est toujours drôle, érudit, ironique, caustique, irrévérencieux, Carvalho passe toujours son temps à se remplir la panse avec des mets de premier choix, et à remplir ses verres de petits vins sympathiques, voire de Roederer Cristal quand il en a les moyens. Et en plus des services espagnols, il a aussi les Syriens de Assad père et le Mossad au cul, il voyage, mange local, et nous aussi donc.

Pour se rendre compte de la personnalité de Luis Roldán si on a la flemme de lire ce roman, on peut aussi regarder le très bon film intitulé L'Homme aux mille visages (El hombre de las mil caras) d'Alberto Rodríguez, sorti en 2016, digne d'un roman d'espionnage, parce que la réalité dépasse largement la fiction.
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