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Critique de berni_29


Les étoiles s'éteignent à l'aube est un magnifique récit initiatique, un roman sur la transmission, écrit par Richard Wagamese, auteur de littérature amérindienne canadienne, qui appartient à la nation ojibwé et qui nous a quitté en mars 2017.
Nous sommes ici dans l'arrière-pays immense et sauvage de la Colombie britannique, sur des terres jadis indiennes, celles justement des ojibwe. Sans doute le sont-elles toujours, du moins dans l'âme. Puisque le Tout, le Grand Tout est là pour veiller.
Rongé par l'alcool, Eldon sait que ses jours sont comptés. La tradition ojibwe veut qu'il soit enterré par les siens, là-haut sur la montagne, comme un guerrier. Alors, il appelle son fils Franklin pour accomplir cette tâche. Quoi de plus naturel, sauf qu'ils n'ont jamais vécu ensemble.
Franklin a été élevé par un autre homme que son père et n'a jamais connu sa mère. C'est le vieil homme qui l'a élevé seul dans sa ferme, qui le met en relation avec son père. Pour l'enfant qui a désormais seize ans, cette demande est une manière d'obtenir des réponses aux questions qu'il se pose depuis toujours sur son passé.
Dans ce grand espace qui s'ouvre à ce voyage ultime, c'est une sorte de pacte qui s'engage alors, un voyage dans le silence et l'âpreté du paysage, où les deux hommes vont cheminer comme dans une sorte de road-trip. Alors nous voyageons ensemble, avec eux. C'est un voyage éprouvant et émouvant. Nous sommes au plus près de leurs gestes qui s'effleurent. Les haltes le soir autour d'un feu sont propices à se parler. La parole est là qui se délie peu à peu, pas à pas, poser des mots sur le silence d'un père et de son fils qui se retrouvent quasiment pour la première fois. C'est une manière de visiter le passé, apaiser, le père et le fils ont ce besoin immense d'apaisement entre eux, immense comme les terres qui les entourent. Et la mère absente, n'est jamais si loin d'eux finalement...
C'est un voyage initiatique. Ils retrouvent des gestes ancestraux, construire un abri contre la pluie, chasser, pêcher, éloigner un grizzly qui s'approche de trop près de leur campement. Prier pour le grand Tout...
La parole qui se libère, qui revient fouiller le passé, ne permet pas forcément d'effacer totalement les cicatrices ou de refermer à coup de pelletées de terre un trou béant. Les mots viennent comme des caresses, les doigts se mêlent à ceux de la mort, il y a quelque chose qui passe, qui se mélange, qui se transmet d'un père à son fils. Ou peut-être l'inverse aussi. On oublie souvent l'inverse, qui vient de manière improbable et parfois salutaire...
Les étoiles s'éteignent à l'aube... Il reste alors peut-être encore un peu de vie ailleurs, de quoi souffler sur les braises d'un feu de camp qui a brûlé toute la nuit, dans l'écho des battements de coeur d'un fils qui accompagne son père de l'autre côté du grand paysage.
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