Citations sur Psychologie des croyances aux théories du complot (10)
Franks et ses collègues ont également caractérisé la mentalité complotiste une «mentalité quasi religieuse», par exemple, parce que comme les religions, elle transforme des peurs non spécifiques, comme la peur existentielle ou les différents types d'anxiété recensés plus haut- en des peurs focalisées sur un coupable, le bouc émissaire, comme le rituel religieux qui identifie la cause de tous les maux à un principe diabolique
Umberto Eco: «Depuis que les hommes ne croient plus en Dieu, ce n'est pas qu'ils ne croient plus en rien, c'est qu'ils sont prêts à croire en tout »
Nous avons déjà mentionné l'étude de Jolley et Douglas (2012) montrant que l'adhésion aux théories du complot avait pour effet de détourner de l'action politique, via le sentiment d'impuissance politique
En démocratie, le droit au doute existe, mais il implique aussi des devoirs : il faut, par exemple, suivre une méthode d'investigation (journalistique ou scientifique) que ne suivent pas ceux que l'on appelle « complo-tistes»>. Chacun-e peut «penser par lui-même ou elle-même»>, mais ce droit de chacun-e à avoir un avis et à décider implique aussi les devoirs de s'informer au mieux, notamment auprès des expert-es du domaine, et pas seulement unilatéralement sur les sites critiques et mal informés d'Internet.
Comme l'a dit de façon très imagée mon collègue Sebastian Dieguez, les théories du complot sont en quelque sorte des « théories dont vous êtes les héros», puisque gens ses adhérent-es se sentent comme des lanceur-euses d'alerte, des à la perspicacité plus grande que le « troupeau de moutons >> des «endormi-es» qui sont manipulé-es par le «Système». En réalité, les complotistes sont des « lanceurs-euses d'alerte du dimanche
D'ailleurs, dans le cas de la pandémie, deux TC contradictoires ont circulé : la pandémie est complètement exagérée et inventée pour nous nuire ; la pandémie est un virus dangereux créé en laboratoire et répandu dans le monde pour nous nuire.
Les TC [théories du complot], comme les autres croyances, peuvent avoir des fonctions épistémiques, non pas de recherche de vérité, mais de simplification de la complexité (comme, par exemple, avec le mégacomplot), ou de justifier les comportements (comme, par exemple, les TC hori-zontales accusant l'exogroupe pour justifier des comportements de discrimination à l'égard de ses membres). Les TC vont aussi remplir des fonctions psychologiques, parfois appelées existentielles, comme restaurer le sentiment de contrôle et diminuer l'incertitude, et ainsi permettre de contrer les sentiments d'anomie; ou encore contrer l'anxiété face à la mort (d'une célébrité, par exemple). D'autres fonctions psychologiques vont être reliées au Soi ou à l'identité personnelle, comme contrer la tendance à l'ennui, ou augmenter le besoin d'unicité ou une tendance narcissique pour pallier un manque d'estime de soi. Les TC étant partagées, elles vont également remplir des fonctions sociales comme donner un sentiment d'appartenance à un groupe pour contrer un sentiment de solitude, renforcer la cohésion d'un groupe (face à un exogroupe menaçant), désigner un bouc émissaire afin de diminuer les frustrations individuelles, etc. Enfin, les TC peuvent également servir à des fins pragmatiques, comme la mobilisation politique ou pour une cause particulière (Bangerter, 2008).
Ainsi, tout événement d'importance majeure, sans doute par l'émotion collective qu'il suscite, sera passible d'être interprété par une ou plusieurs TC [théorie du complot], ce qui peut donner l'impression de le comprendre et de l'expliquer, en lieu et place du hasard ou de la fatalité.
Et bien plus que de simples idées fausses, nous verrons que les croyances aux théories du complot, tout comme les "fake news" et la méfiance généralisée - envers la politique, les médias, la science-, sont l'un des plus grands dangers pour l'avenir de nos démocraties. (Harari, 2018). Il est donc de la plus haute importance de tenter de les comprendre et de lutter contre leur invasion dans l'espace public.
Ainsi tout le monde peut être sensible au complotisme, et ce, pour deux raisons : à la fois parce que nos raisonnements quotidiens et naïfs, que l'on appelle aussi "intuitifs", nos biais cognitifs ou, selon une expression en partie impropre, notre "cerveau" nous y poussent (...) mais aussi parce que ces récits ont quelque chose d'intrinsèquement captivant dans leur structure narrative : un aspect de dévoilement, le sentiment d'apporter une lumière dans l'obscurité du fonctionnement complexe du monde.