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Critique de 5Arabella


Malgré le prix Nobel qu'il a obtenu en 1992, Derek Walcott est peu publié en France. Une grande part de sa production relève de la poésie, genre difficile à transposer dans une autre langue, mais il a écrit aussi beaucoup de théâtre, il a même dirigé pendant une quinzaine d'année un atelier de théâtre. C'est donc une partie importante de son oeuvre. Ti-Jean et ses frères est une de ses rares pièces à avoir été éditée en français, par l'excellente maison d'édition Circé, dont le catalogue multiplie des raretés, pour ceux que j'ai lu, d'une très grande qualité, au point que l'on se demande pourquoi des maisons d'édition plus importantes ne s'en sont pas emparées.

La pièce comporte un prologue et trois scènes. Dans le prologue, comme dans certaines pièces d'Aristophane, la parole est laissée aux animaux, qui plantent le décor et commentent ce qui arrive, introduisent les personnages. Il s'agit d'une mère avec ses trois fils, le Diable a décidé de les manger. Chacun à son tour va partir dans le monde, et s'affronter au Diable en essayant d'être plus malin que lui. le premier, Gros Jean, compte sur sa force. le deuxième, Mi-Jean sur les livres qu'il lit continuellement. Ils seront dévorés par le Diable. le plus jeune, Ti-Jean, est un peu comme dans les contes, une sorte d'idiot du village en apparence, mais en réalité plein de bon sens, prêt à s'intéresser aux animaux, qui en échange lui donnent de bons conseils.

La pièce oscille entre divers registres, conte, récit populaire, mais aussi construction savante avec énormément de références, d'images, de métaphores. le langage n'est pas uniforme, évolue également, entre des parties très écrites, très littéraires, poétiques, et des passages en créole, en langage familier, il y a même des parties destinées à être chantées. En arrière plan du conte, il y aussi le contexte coloniale, le Diable prenant l'apparence d'un riche planteur. Mais cela ne nuit pas à la cohérence de la pièce, qui est très construite, simplement donne de la complexité et met en perspective une histoire qui semble de prime abord très familière.

Une pièce assez étonnante, sans doute pas facile à mettre en scène, mais qui entre imagination débridée et des façons très intelligente de mixer des éléments culturels venus de différents horizons, est d'une grande efficacité dramatique, et la fin est vraiment émouvante, abandonnant un peu l'ironie et le second degré très présent jusque là. Une vraie découverte, qui me fait regretter encore plus que l'auteur ne soit pas plus traduit, et encore moins joué.
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