INTRODUCTION :
« [
] Forte d'une longue expérience conradienne, la Grande-Bretagne d'aujourd'hui emporte sur ses ponts et passerelles une multiplicité d'ethnies et de communautés de toute allégeance, sans renier pour autant la fermeté monarchique de son cap, la démocratie relative de se hiérarchie, la plasticité absolue de sa langue maritime. Comme elle nous le laisse supposer, il semble qu'elle essaie de tenir pour elle-même la difficile synthèse entre accepter le changement à doses progressives tout en s'ouvrant à la complexité de la grande famille humaine, sans cesser d'explorer par le poème l'énigme de notre présence dans l'Univers. » (Jacques Darras.)
CHAPITRES :
0:00 - Titre
0:06 - Charles Tomlinson
1:28 - Ursula Askham Fanthorpe
4:15 - Derek Walcott
5:28 - Fleur Adcock
6:55 - Geoffrey Hill
7:32 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :
L'île rebelle, anthologie de poésie britannique au tournant du XXIe siècle, choix de Martine de Clercq, préface de Jacques Darras, traduction de Martine de Clercq et Jacques Darras, Paris, Gallimard, 2022.
IMAGES D'ILLUSTRATION :
Charles Tomlinson : https://www.britannica.com/biography/Charles-Tomlinson
Ursula Askham Fanthorpe : https://www.queerbible.com/queerbible/2019/1/30/ua-fanthorpe-by-rosalind-jana
Derek Walcott : https://www.nytimes.com/2017/03/17/books/derek-walcott-dead-nobel-prize-literature.html
Fleur Adcock : https://www.anzliterature.com/wp-content/uploads/2017/12/Fleur-Adcock-credit-to-Jemimah-Kuhfeld.jpg
Geoffrey Hill : https://www.thetimes.co.uk/article/sir-geoffrey-hill-ptwgtkxcp
BANDE SONORE ORIGINALE : Scott Buckley - A Kind Of Hope
A Kind Of Hope by Scott Buckley is licensed under an Attribution 4.0 International (CC BY 4.0) license.
https://www.free-stock-music.com/scott-buckley-a-kind-of-hope.html
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#JacquesDarras #LÎleRebelle #PoésieAnglaise
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L’AMOUR APRÈS L’AMOUR
Le temps viendra
où, avec allégresse,
tu t’accueilleras toi-même, arrivant
devant ta propre porte, ton propre miroir,
et chacun sourira du bon accueil de l’autre
et diras : assieds-toi. Mange.
Tu aimeras de nouveau l’étranger qui était toi.
Donne du vin. Donne du pain. Redonne ton cœur
à lui-même, à l’étranger qui t’a aimé
toute ta vie, que tu as négligé
pour un autre, et qui te connaît par cœur.
Prends sur l’étagère les lettres d’amour,
les photos, les mots désespérés,
détache ton image du miroir.
Assieds-toi. Régale-toi de ta vie.
Je laisserai passer les nuits,
je laisserai le soleil se lever,
je le laisserai passer comme un flambeau sur un mur
où se dessine à demi effacé,
pierre s’effaçant après pierre,
le visage d’une jeune femme étonnée, ses lèvres, ses cheveux noirs
partagés par une raie selon le premier style pompéien.
Et que puis-je écrire pour elle
sinon que lorsque la douleur nous stupéfie,
que nous secouons la tête violemment d’un côté à l’autre,
pour dire à certaines choses : « jamais », « jamais plus »,
plus de foi ni d’espérance, rien que la charité,
la charité donne à l’espérance et à la foi de bien plus puissantes ailes.
Même quand le printemps viendra avec sa pluie de pointes,
avec sa glace salie fondant en flaques noires,
le monde aura vieilli d'une saison sans être plus sage.
Vallée Cul de Sac
I
Un rai de soleil sur une
échoppe à flanc de coteau
donnait à ces strophes
leur forme guindée.
Si mon ouvrage est béni,
si cette main est aussi
précise, aussi honnête
que celle du charpentier
chaque charpente, bandée
sur ses angles, renverrait
l'écho de cette bâtisse
de bois blanc
à mesure que les consonnes
tombent de mon rabot
dans le créole parfumé
de leur veine natale ;
chutant d'un tréteau
elles ont roulé à mes pieds,
les C, les R avec une racine
française ou africaine occidentale
provenant d'un dialecte compact,
ses feuilles que personne ne lit
tombent pourtant sur la langue
de leur route natale,
mais attirés vers
ma ficelle jalonnent
des planches biseautées
de pin blanc,
comme du schiste grommelant,
des arbres rafraîchissent la mémoire
en exhalant leurs arômes :
bois canot, bois campêche,
chuintant : Ce que tu attends
de nous n'arrivera jamais,
tes mots sont de l'anglais,
ils viennent d'un arbre différent.
Le Golfe scintille, terne comme le plomb.
La côte du Texas scintille telle une monture de métal.
Je n’ai de maison tant que l’été au crâne bouillonnant
bout pour le jour où au nom du Seigneur
les braises seront empilées sur la tête de tous ceux ayant le fouet et la flamme pour évangile.
Siècle après siècle, les morts n’enseignent rien.
Nous expliquons que c'est le clair de lune mutin sur les vagues,
que ce sont des calembredaines de pêcheurs, que les coupures faites par le sel dans les paumes
de leurs mains les ont rendus fous, mais tous croient que
c'est Abaddon, que ce qui se dresse sur la digue détrempée,
les ailes nervurées et frémissantes comme un bâtard mouillé,
aussi droit qu'une pastengue, c'est une mante et non le diable ;
mais le plus jeune répète d'une voix inhumaine et
enrouée pareille à la houle qui se retire péniblement
du rocher ulcéré de bulots : "Si ce n'est pas lui, alors
pourquoi les nuages aux capes noires s'agrippent-ils à la lune
et étouffent-ils ses hurlements pareils à ceux d'une folle ?"
Des yeux aussi sauvages que des boulots au-dessus de la cuiller levée.
LE CRAPEAU
Si vous regardez dans la lune,
Bien qu'il n'y ait pas de lune ce soir,
Il y a un homme, non, un garçon,
Ecrasé par le fagot
Qu'il a jeté sur son épaule
Un petit chien sur les talons.
C'est Ti-Jean le chasseur,
Qui s'en va chercher du bois
Chez le vieil homme de la forêt
Celui qu'on appelle Papa Bois.
Parce qu'il a damé le pion au diable,
Dieu l'a installé dans ces hauteurs
Pour qu'il soit le bras droit du soleil,
Pour qu'il éclaire les ténèbres maléfiques,
Mais ne sais rien de tous cela comme l'oiseau
Je m'en vais commencer le conte.
Un matin la Caraïbe fut découpée
par sept premiers ministres qui achetèrent la mer en coupons -
un millier de milles aigue-marine garnies de dentelle,
un million de mètres de soie citron vert
un mille de violet, des lieues de satin céruléen -
ils la vendirent avec bénéfice aux consortiums,
les mêmes consortiums qui avaient loué les eaux
pour quatre-vingt dix-neuf ans en échange de cinquante navires,
lesquels la débitèrent à leur tour aux ministres
au commun compte bancaire, lesquels la revendirent
grâce aux pubs pour la Communauté économique des Caraïbes,
et ainsi tout le monde posséda une parcelle de mer,
certains en firent des saris, certains des madras ;
le reste fut offert à de blancs paquebots de croisière
plus hauts que la poste ; alors les bagarres commencèrent
dans les Cabinets pour savoir qui avait vendu en premier
l'archipel en vue de cette chaine de magasins d'îles.
Le dix-neuvième siècle, telle une lampe torche,
irradiait son halo, la nuit dernière, sur les planches d'une table de cuisine.
Les pieds de lampe à terre, la fumée de sa mèche dépérissait et brûlait,
en roussissant le plafond de l'esprit comme un roman de Hardy.
Demain, Demain
Je me souviens des villes que je n'ai jamais vues
précisément. Venise veinée d'argent, Leningrad
avec ses minarets entortillées de caramel. Paris. Bientôt
les Impressionnistes feront apparaître le soleil de l'ombre.
Oh ! et les allées de l'Hyderabad pareilles à un cobra délové.
Avoir aimé un horizon est une insularité ;
ça obstrue la vision, ça rétrécit l'expérience.
L'esprit est volontaire, mais l'esprit est sale.
La chair se consume sous la lingerie saupoudrée de miettes,
élargissant le Weltanschauung par le biais de magazines.
Un monde est de l'autre côté de la porte, mais il est bien inquiétant
de se tenir près de ses bagages sur une marche froide tandis que l'aube
rosit le briquetage et avant que vous ne commenciez à le regretter,
le taxi arrive avec un coup de klaxon, en longeant
la bordure du trottoir comme un corbillard - et vous montez dedans.