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Critique de steph_bookin


Margaret Walker a composé à partir de la vie de son arrière-grand-mère une fresque inédite de l'histoire de l'Amérique au XIX è siècle du point de vue des Noirs Américains. Et c'est magistral !
« Jubilee » est un gospel, dont les voix s'élèvent ténues d'abord, pleines de douleur, célébrant la puissance divine dans l'espoir qu'elle libère de leurs chaînes ces esclaves que l'on exploite sans vergogne dans une grande propriété du Sud-Est de la Géorgie. C'est chez les Dutton que naît Vyry, fille d'une esclave et de son maître John dont elle a hérité la peau claire. Orpheline à la naissance, ce sont les esclaves de la cuisine qui l'élèvent, dans les parfums de poulet frit et de tous les mets que Vyry ne tarde pas à préparer elle-même.
A travers les yeux de cette jeune esclave, c'est toute un système de violence et de soumission que nous raconte avec beaucoup de pudeur Margaret Walker. Mais au milieu de ces voix, Vyry découvre peu à peu des notes d'espoir, celles de frère Ezechiel, prédicateur ou de Randall Ware, forgeron libre, qui introduisent le souffle d'une liberté possible, venue du Nord abolitionniste. Douloureuse idée qui vient troubler Vyry, qui se plaît à rêver d'une autre vie pour elle et ses enfants.
C'est la guerre de Sécession, décrite dans toute son horreur, qui précipite le destin de Vyry : elle doit maintenant composer son propre chant, improviser une nouvelle partition, celle d'une esclave libérée. C'est la plus grande réussite du roman à mon sens : alors que l'oppression dont elle était l'objet disparaît légalement, le personnage de Vyry s'individualise, avec ses rêves propres, ses projets, ses combats et ses échecs aussi. Elle s'appartient, enfin.
Mais les mentalités, elles, n'évoluent pas au rythme des batailles perdues et le Sud esclavagiste n'a pas dit son dernier mot : Vyry et sa famille se heurtent à la furie des suprémacistes blancs incarnée par les membres du Ku Klux Klan. Réussira-t-elle à concrétiser ses rêves, une maison à elle, un travail rémunéré, l'école pour ses enfants, une vie décente en somme ?
Oh que j'ai adoré ce chant d'espoir et de courage, amplifié par la beauté et l'émotion de la dernière partie du roman. Mais Walker ne nous laisse pas nous faire d'illusion : la lutte pour les droits civiques ne fait que commencer en cette fin de siècle pour Vyry, sa famille et tous les Noirs Américains.
Ce roman intelligent, construit brillamment et tellement fort est à découvrir de toute urgence!
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