Il m'arrive de me dire que dessiner est bien ce qu'il y a de plus agréable au monde....
Mais la raison majeure pour laquelle Van Gogh devint artiste était que l'art lui permettait de livrer ses sentiments. S'il ne pouvait soulager la vie pénible du malheureux paysan hollandais, du moins pourrait-il exprimer sa compassion dans ses dessins et ses toiles. Peut-être était-ce là sa façon de communier avec Dieu.
L'oeuvre de Van Gogh est extrêmement personnelle. A l'exception de son compatriote Rembrandt, aucun autre grand artiste n'a produit davantage d'autoportraits (plus de 40). D'une certaine manière ses paysages, ses personnages, ses intérieurs, ses natures mortes, sont aussi des autoportraits. Sa méthode était de fondre aussi rapidement que possible ce qu'il voyait et ce qu'il ressentait en affirmations qui étaient des révélations de lui-même.
Le prêtre d'Auvers refusa le corbillard pour le suicidé ; il fallut en emprunter un dans un village voisin. …. Le peintre Emile Bernard écrivit : « Sur les murs de la chambre toutes ses dernières toiles étaient accrochées, formant comme un halo autour de lui et – par la luminosité ou le génie qu'elles irradiaient – rendaient sa mort encore plus lamentable pour nous artistes. ...Au dehors, le soleil était férocement chaud. Nous avons monté la colline d'Auvers en parlant de lui, de l'élan hardi qu'il avait donné à l'art, des grands projets qui l'avaient toujours préoccupé, du bien qu'il avait fait à chacun de nous. Nous sommes arrivés au cimetière, un petit cimetière tout neuf, semé de tombes fraîches. Il est sur la hauteur, face aux champs prêts pour la moisson, sous un immense ciel bleu qu'il aurait pu encore aimer – peut-être. Puis on le descendit dans la tombe. Qui n'aurait pleuré à ce moment-là – le jour était trop à sa ressemblance pour nous empêcher de penser qu'il aurait pu encore vivre heureux »
C'est pendant sa « période de mue » au Borinage que Vincent prit la décision de devenir un artiste. Il commença à faire des croquis de mineurs et de leur environnement, mais il comprit qu'il avait un besoin désespéré d'apprendre. S'il pouvait trouver un artiste confirmé pour l'aider... Il tenta donc d'entrer en contact avec quelqu'un dont l’œuvre le séduisait, Jules Breton, poète et peintre français qu'il avait connu lorsqu'il travaillait chez Goupil. Breton vivait à Courrières, loin du Borinage ; Vincent qui n'avait que 10 francs en poche dut faire le voyage à pied. Il dormait à la belle étoile, « une fois dans une voiture abandonnée, couverte de givre le matin ; une fois sur un tas de fagots ; une fois c'était un peu mieux, dans une meule entamée où je suis parvenu à faire une niche quelque peu confortable – seulement une pluie fine n'augmentait pas le bien-être ».
Parvenu à l'atelier de Breton, Vincent fut trop intimidé par son aspect pour frapper à la porte. Il revint au Borinage à pied sans avoir vu Breton, et arrivé chez lui il écrivit à Théo « anéanti par la fatigue, les pieds meurtris, dans un état plus ou moins mélancolique ». Mais du fond de sa misère il sentit revivre son énergie... « et je me suis dit que je remonterai malgré tout (la pente), je reprendrai mon crayon, que j'ai délaissé dans mon grand découragement, et je me remettrai au dessin. Et dès lors à ce qui me semble, tout a changé pour moi. » Théo proposa son aide, comme il devait toujours le faire. Même si aujourd'hui il y a de nombreux altruistes pour imaginer qu'ils auraient volontiers proposé leur aide s'ils avaient été présents, il est plus probable qu'ils auraient fui à la simple vue de Vincent.