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Critique de NicolaK


Je suis retombée sur ce livre qui m'avait beaucoup marquée quand je l'ai lu et sur lequel je me suis repenchée dernièrement.
Günter Wallraff est journaliste, et pour parler de la situation des Turcs en Allemagne dans les années 80, il se met en immersion complète pendant deux longues années, transformant son visage, lentilles pour ses yeux, adaptant son langage et s'affublant d'une perruque. Il devint alors Ali Senorlioglu, ouvrier sans qualification mais robuste, acceptant tout travail même chichement rémunéré.
Sous menace permanente d'une expulsion, les travaux les plus durs et les plus dangereux sont confiés à ces hommes, traités comme des esclaves, l'argent de poche leur tenant lieu de salaire leur est versé plus ou moins en intégralité. Sans papiers, sans protection sociale ou médicale, ils ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes et accusent facilement quelques dizaines d'années de plus que leur âge véritable. Parler de trafic humain n'est pas un terme inapproprié. Certains Allemands sont d'ailleurs soumis au même régime. Les plus démunis, prêts à accepter n'importe quel travail pour arriver à subsister. Sauf que même subsister dans de telles conditions devient vite impossible et leur état de santé les empêche même de s'alimenter. Faiblesse, épuisement, maladies, blessures non soignées...
Les employés à charge de ce "personnel" très spécial ne sont pas des bourreaux, juste des gens "normaux" faisant leur travail au sein de grosses entreprises allemandes. Ils ne sont pas payés pour éprouver de l'empathie et leur détresse aussi bien physique que morale leur importe peu. Ces gens ne sont pas en règle, donc corvéables à loisir. D'autant qu'ils sont venus chercher ce travail, après tout, c'est donc que ça leur convient.
Ce livre a provoqué un raz-de-marée d'indignation, les autres pays occidentaux ont découvert ces pratiques immondes, tout comme les Allemands qui étaient tenus dans l'ignorance.
Un témoignage bouleversant qui se lit comme un roman, pourrais-je dire, puisqu'il est écrit ainsi. Les chapitres défilent rapidement, l'histoire est ponctuée de nombreux dialogues édifiants à chaque rencontre de l'auteur avec des "protagonistes", qu'ils soient travailleurs sociaux, chefs, collègues, employés de la protection sociale, et même religieux, voire des pompes funèbres.
Bien sûr, des fois on sourit... jaune... tellement certaines situations dépassent l'entendement. D'autres fois on est sidérés, tel ce moment où l'auteur veut entrer dans une église et se signer. le prêtre l'en empêche, bien que reconnaissant que l'église n'est pas pleine, loin s'en faut, et il lui suggère de prendre de l'anti-gel et de faire un signe de croix avec. Parce que comprenez-vous, sans domicile fixe, on ne peut pas entrer dans une église.
Cet autre passage dont j'ai posté une petite citation, où notre homme va choisir son propre cercueil et s'informer sur les modalités de rapatriement de son propre corps... allant même jusqu'à demander si le faire pendant qu'il est vivant reviendrait moins cher.
Un livre que j'avais un peu oublié mais qui m'attendait dans un coin, tout prêt pour le moment où je le prendrai à nouveau, et que je conseille vivement. À mettre entre toutes les mains.
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