Runes, tome 3 : Grimnirs

— Chapman marche bizarrement, tu ne trouves pas ? Et ses oreilles sont décollées comme cet éléphant... tu sais bien, celui qui savait voler.
— Dumbo ? Sérieusement ?
Il afficha un grand sourire moqueur.
— Oui, Dumbo. Il est sans doute tout aussi bête.

— C’est qui, Écho ? demanda Roger.
— Le type sur qui elle craque. C’est à cause de lui qu’elle est aussi coincée en ce moment. Ce n’est pas comme ça qu’elle réussira à garder Écho, si tu veux mon avis.
Si un regard avait le pouvoir de tuer, il serait déjà réduit en bouillie.
— J’irai à cette rencontre, mais ne te sens surtout pas obligé de m’accompagner, abruti. Je ne veux pas que tu viennes. Et pour info, je ne craque pas sur lui, ajoutai-je en serrant les dents. Oh, et je n’ai plus besoin de tes services ce soir. Tu peux sortir, aller danser, je m’en fiche.
Je quittai les lieux, mais Andris me suivit de près.
— Attends, Cora, lança-t-il.
Je l’ignorai.
— D’accord, je te présenterai mes excuses, mais arrête de taper du pied comme Attila le Hun. Les filles sont censées marcher avec grâce.
Je m’arrêtai net et fis volte-face.
— Quand on dépasse les bornes avec quelqu’un, on est censé lui demander pardon au lieu de lui lancer d’autres insultes en pleine face !
Il leva les mains pour faire mine de capituler et eut un petit sourire taquin.
Je haussai les sourcils.
— J’attends toujours des excuses.
— Quand ai-je dépassé les bornes ? En te traitant de coincée, en disant que tu craquais pour un certain Grimnir ou en t’expliquant comment le garder ?
La colère me quitta aussitôt. J’étais incapable de rester fâchée contre lui, même s’il m’agaçait en permanence. Il était mignon et il s’était montré formidable pendant toute la semaine. Et puis, j’adorais ses sarcasmes.
— Laisse tomber.
— Alors j’ai besoin d’un câlin. Viens ici.
Il tendit les mains vers moi. En levant les yeux au ciel, je le serrai dans mes bras. Sa main glissa un peu plus bas.
— Si tu me touches les fesses, Andris, je te donne un coup de genou si violent que tes bijoux de famille remonteront dans ta gorge.

J’essayai de me dégager du bras d’Écho, mais il refusait de me lâcher.
— Qu’est-ce que tu fais ? chuchotai-je.
— Je te garde près de moi. Je choisirai moi-même les parfums et toi, tu appuieras sur les boutons.
Son comportement commençait à me taper sur les nerfs. Le pire, c’était qu’il agissait ainsi à cause de Blaine.
— Pas la peine de me tenir pour ça.
Il baissa la tête et sa joue vint effleurer la mienne.
— Oh, si. J’aime te serrer contre moi. Tu es mon petit chou à la crème.

— Il y a forcément un sale mortel qui t’a fait pleurer, Cora, et je veux savoir de qui il s’agit pour pouvoir l’éviscérer de mes propres mains et escorter moi-même son âme à deux balles sur une île où il implorera qu’on le tue une seconde fois.
Décidément, il était obstiné.
— Arrête avec tes menaces de seconde mort. Tu n’es pas un tueur.
— Il faut un début à tout, dit-il sans perdre une seconde. Qui est-ce ?
J’ignorai sa question.
— Et toi, peut-on te tuer ? demandai-je.
— Par décapitation, mais personne n’oserait essayer à moins d’avoir des pulsions suicidaires.
— Vraiment ? Je n’ai aucune envie de suicide, et pourtant j’adore l’éventualité que tu te retrouves sans tête.
Il éclata de rire.
— Ne cherche pas à changer de sujet, poupée. Qui t’a fait pleurer ?

— Range ce truc avant de te faire mal, poupée, dit-il d’un ton condescendant. Personne, pas même toi, n’a le droit d’intervenir dans mes affaires. D’ailleurs, si je te surprends encore à disperser mes cibles, j’envoie illico presto ton joli petit cul au Palais de Hel.

Pendant quelques secondes, je fus à court de mots, avant que la colère me saisisse. Poupée ? J’avais horreur des types arrogants et grande gueule dans son genre. Ces gars-là feraient mieux de se contenter… d’être beaux et de se taire.