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Critique de bdelhausse


Peter Watts, je ne le connaissais pas du tout avant de recevoir son livre suite à une Masse Critique (merci à Babelio et aux éditions le Belial et Quarante-Deux).

J'ai donc découvert qu'il fait partie de "la nouvelle SF"... expression galvaudée et utilisée par chaque génération pour se défaire des oripeaux de la précédente. Mais à mon avis, Peter Watts ne se défait de rien... il revendique tout, au contraire. Il suffit de regarder ses thèmes de prédilection. La guerre, l'affrontement, la vie extra-terrestre, les rapports humains, les cyborgs, l'I.A. et toute cette sorte de choses. Sans oublier le Créateur... quel que soit son nom.

Classons-le... même si les étiquettes sont sans doute ce qui convient le moins à Peter Watts. Hard Science. Dantec signalait (quand il ne disait pas que des idioties) qu'un auteur de SF moderne (l'auteur ou la SF) devait lire les revues scientifiques pointues. Et sur ce plan-là, Peter Watts en connaît un rayon. Il agrémente joliment (?!) sa prose technique et parfois aride de poésie cybernétique du meilleur effet. Ce n'est pas vraiment, on l'a compris, une lecture de plage ou de tram... Mais cela se lit en général assez bien quand même. Peter Watts n'a pas sont pareil pour adapter son langage, la syntaxe, le mode de raisonnement au type de personnage principal. Que cela soit un humain, un drone, un cyborg... à chaque fois, c'est un univers très précis et typé qui s'ouvre au lecteur.

Au-delà du Gouffre est un recueil de nouvelles s'étalant de 1990 à 2014. Ce "gouffre", ce sont souvent les états d'âme du personnage principaL Que cela soit un extra-terrestre, un drone intelligent, un cyborg, un humain... Mais on sent assez peu le poids du temps entre ses nouvelles plus anciennes et ses plus récentes. A part le thème, peut-être. Les plus récentes sont plus ancrées dans le quotidien (la guerre le plus souvent). Et je ne dis pas merci au préfaceur pour spoiler de manière assez ridicule la première nouvelle.

Peter Watts montre qu'il connaît ses classiques. Il le montre abondamment. Des récits des années 30 (style Astounding Stories) aux principes de la robotique façon Asimov, en passant par les explorations planétaires (très années 50 aussi)... On a droit à une belle palette de clins d'oeil. Peter Watts sait y faire.

Quelques impressions sur les nouvelles:
Les Choses... blindée d'humour, la nouvelle revisite un classique des années 30. Je ne spoile pas davantage. Peter Watts soigne sa chute. Et les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être.

Le Malak... un drone en Afghanistan. Guerre cybernétique et escarmouches. Vert, Bleu, Rouge... la réaction du drone dépend du code couleur de son vis-à-vis. C'est froid, clinique. La frappe chirurgicale façon Peter Watts... Ce texte m'a vraiment impressionné.

L'Ambassadeur... Les états d'âme d'un émissaire terrestre, "humain" construit pour la mission (N.B. Peter Watts adore, use et abuse de ce concept de création de l'humain incomplet, bourré d'électronique et paré pour une mission spécifique).

Nimbus... un chouette texte écolo (1994 quand même) où l'envahisseur est constitué de nuages. Ce serait un peu simpliste quand même si l'auteur n'abordait pas le rapport père-fille (visions des générations) qui me semble être le vrai sujet.

Le Second Avènement de Jasmine Fitzgerald... entre psychiatrie, polar et physique quantique, Dieu n'est pas bien loin.

Eriophora... une trilogie de nouvelles, style Space opera, du nom du vaisseau spatial. A l'exception de L'Ile, c'est assez en-dessous du reste, même si on retrouve les thèmes de prédilection. Je dois avouer que je suis assez peu fan de ce genre-là.

Un mot pour les païens... est sympa, avec une réflexion (assez superficielle) sur la foi et la compromission de la hiérarchie religieuse. Malgré ce qu'en dit Watts lui-même, il est difficile de ne pas y voir une critique de la religion.

Chair faite parole... bof, nouvelle ayant mal vieilli, avec les rengaines usuelles chez Watts sur l'être cybernétique et connecté.

Les Yeux de Dieu... chouette nouvelle sur la culpabilité en actes et en pensées. Cela ne fait pas une nouvelle... mais constituerait un épisode intéressant dans un roman (critique globale, qui s'applique à pas mal de textes de l'anthologie).

Hillcrest contre Velikovski... une perle de cynisme et d'humour politiquement incorrect... En 3 pages, Watts nous fait le récit d'un procès où le directeur d'un musée sur les impostures scientifiques est poursuivi pour avoir brisé l'effet placebo qui maintenait une femme en vie. Jouissif.

Éphémère (avec Derryl MURPHY)... comme le souvenir qu'il m'a laissé...

Le Colonel... on peut être colonel et en même temps rester un père prêt à tout pour son fils. Thème rabâché mais traité plutôt bien.

Une niche... est un récit primé, assez ancien, mais qui fonctionne bien, avec le mal des profondeurs filmé et orchestré sous forme de test... Il y a souvent chez Watts cette dimension Big Brother qui donne à penser qu'il est un auteur dépressif... ce qui est faux évidemment (cf. infra).

Maison... les manipulations génétiques et la libre-pensée. Cela m'a rappelé un texte de Bradbury dans Chroniques Martiennes. C'est sympa, mais Bradbury est plus fin, plus poétique et plus surprenant.

Les deux derniers textes sont très intéressants, mais ce ne sont pas des nouvelles:
- En route vers la dystopie avec l’optimiste en colère, par Peter WATTS
Là on touche au génie... la pensée de Watts en prise directe, comme si on avait un implant qui nous renseignait sur les idées du "maître"... La démonstration qu'il fait de son optimisme et son refus d'être classé parmi les auteurs distopiques est brillante. Le récit de sa mésaventure à la frontière américaine, sa vision du monde... j'adhère à 100%, mais finalement cela rend ses récits encore plus glauques et effrayants, vu qu'ils ne sont plus de SF... Il serait intéressant de lire ce chapitre AVANT de lire les nouvelles.

- Dieu et les machines : les nouvelles de Peter Watts, par Jonathan CROWE
Analyse intéressante mais un peu courte.

Au final, l'univers de Peter Watts est intéressant. Assez proche du nôtre, et plus prémonitoire que l'on pourrait le penser. Il m'a fait penser à Bradbury, Bear, Brunner, Silverberg... Mais en moins bon à chaque fois. Ce qui est dommage. Les nouvelles ne sont peut-être pas son format le plus intéressant. Reste un style personnel. Une façon de décrire les choses très accrocheuse. Si le contenu n'est pas toujours à la hauteur, le contenant tient clairement la route.
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