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Critique de Pecosa


Après Vivre avec une étoile et son personnage lambda broyé par un système répressif dans une ville qui ne porte pas de nom, Jiri Weil revient à Prague sous occupation allemande avec Mendelssohn est sur le toit. Cette fois-ci, le ton est radicalement différent.
L'évènement qui donne son nom au titre est le suivant. Lorsque Reinhard Heydrich, Vice-Gouverneur de Bohême-Moravie aperçoit la statue de Mendelssohn au milieu d''autres grands noms de la musique, il exige que celle-ci disparaisse. «  C'est une négligence inouïe, pire que la trahison. Mendelssohn est sur le toit. » Mais ni le SS chargé de faire appliquer ses ordres, ni les ouvriers tchèques, ne peuvent le reconnaître, les statues ne portant aucune inscription. La solution est vite trouvée pour le SS, il faudra détruire la statue dotée du plus grand nez… et c'est celle de Wagner…
A partir de cette anecdote, Weil nous offre un état des lieux digne d'un film d'épouvante du Protectorat de Bohême-Moravie, à travers les destins de quelques personnages pris au piège de l'occupation. Résistants, intellectuels, membre du Judenrat, ouvriers… tous tentent de survivre ou de résister, de se cacher, ou doivent collaborer souvent de la pire manière, en choisissant qui devra mourir, en construisant des gibets… Sans doute l'auteur a t-il croisé nombre d'individus traqués, lui qui fit croire à son suicide en 1942, devenant un citoyen fantôme grâce à ses amis résistants et qui put survivre à la guerre.
La description de la capitale tchèque est saisissante de vérité. Lorsque l'un des personnages, cloué sur un lit d'hôpital depuis des années, sort dans la rue et traverse la ville sur une charrette, sa sidération est totale. Prague est préservée mais morte.
Il est vrai que la ville, épargnée plus que les autres par les bombardements est un joyau. Mais la silhouette glaciale de Heydrich, qui terrorise même ses proches, nous fait songer à Dracula reclus dans le palais Černín. Sa résidence personnelle à Panenské Břežany a tué le village, quasi-mort depuis qu'il y séjourne.
Dans le roman, l'Opération Anthropoïde est un évènement parmi d'autres, Jozef Gabčík et Jan Kubiš ne sont que des silhouettes au bord de la route qui tirent sur Heydrich en mai 1942. Weil veut monter que sa mort ne change rien pour les Tchèques, la solution finale se poursuit, les juifs affluent toujours autant dans le camp de Theresienstadt.
Avec Mendelssohn est sur le toit, Jiri Weil manie ironie et sarcasme pour nous donner à voir dans la plus grande crudité la banalité de la violence la plus extrême, comme avec l'assassinat de fillettes à coups de clé, ou avec l'anecdote sur ce gestapiste fanatique qui envoie son subalterne piller des antiquités pour envoyer par avion un beau cadeau à sa maman. La structure du roman donne la sensation d'être pris avec les personnages dans une nasse avec au-dessus de sa tête une machine à broyer les individus. Seul un homme sans attache familiale qui a des liens avec la résistance tchèque (Weil?), et qui décide un jour qu'il en a sa claque, trouvera son salut dans la fuite.
Mendelssohn est sur le toit est une de mes lectures les plus percutantes, et les plus éprouvantes. Mais pourquoi n'a t-on pas réédité ou traduit les autres oeuvres de Jiri Weil, notamment celles sur l'URSS, qui faillirent l'expédier au goulag?
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