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Critique de Tiephaine


Un ouvrage plutôt court mais déjà riche en informations sur le tragique épisode des déportations-abandons en Sibérie en URSS au début des années 1930.

Les crimes des régimes communistes ne cesseront jamais de m'horrifier par leur inhumanité absolue, qui n'a rien eu à envier aux nazis. L'île aux Cannibales traite d'un épisode inconnu en Occident, au cours duquel le régime stalinien décida de se débarrasser des "éléments déclassés" en les expédiant mourir en Sibérie, officiellement pour "coloniser et mettre en valeur ce territoire".

Nicolas Werth rapporte les documents officiels qui ont étonnement survécu dans les archives pour expliquer les ressorts de l'opération menée au cours de l'année 1933, après celles des trois années précédentes. Si 1933 est particulière, c'est parce qu'elle prend place dans un contexte lui-même très particulier: le plan quinquennal et la NEP de Staline s'avèrent être des échecs douloureux, et le régime, pour masquer le désastre, presse les deux régions fertiles jusqu'à les affamer et provoquer la mort par famine d'au moins 6 millions de personnes.

Or, dans le même temps, ce même régime entreprend de déporter un million de personnes en Sibérie, en l'espace de quelques mois, en leur fournissant le minimum d'outils et de nourriture. Ces "éléments déclassés" n'ont rien à voir avec les paysans déportés les années précédentes: il s'agit pour l'essentiel de citadins, de "familles" (mères isolées et leurs enfants), de vieillards, d'enfants, de vagabonds, de malades mentaux, et de détenus de droit commun "non qualifiés pour le Goulag", et de toute personne prise sans passeport en règle sur les marchés et dans les gares.

La catastrophe pressentie est évidemment arrivée, plus d'un tiers des déplacés mourant en l'espace de quelques semaines, non sans que des scènes abominables ne se produisent, à l'image de ces cas d'anthropophagie évoqués. Si l'ouvrage de Nicolas Werth met en avant le cas de l'île de Nazino, pour lequel des témoignages concordants ont été recueillis par l'ONG Memorial dans les années 1980, il ne se concentre pas uniquement sur ce cas et aborde plus généralement cet "autre goulag".

Riche et précis, cet ouvrage très accessible intéressera sans aucun doute tous ceux qui sont curieux de l'URSS et de son système inhumain.
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