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EAN : 9782262029418
256 pages
Perrin (20/11/2008)
3.88/5   43 notes
Résumé :
Voici le premier livre en français sur l'autre goulag, édifié par Staline et lagoda (chef du Guépéou), son ministre de l'Intérieur, aux fins de "purifier socialement" l'Union Soviétique. Sur "l'île aux cannibales", ont été déportés 6000 "éléments socialement nuisibles". Isolés dans cet endroit désolé, Nazino, perdu au milieu du fleuve Ob, les déportés débarqués sans provisions ni outils ont subi la torture de la faim au point de s'entre-dévorer. Passé sous silence p... >Voir plus
Que lire après L'île aux cannibales, 1933 : Une déportation-abandon en SibérieVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
D'un coté, un dictateur qui décide de purger les villes de la petite délinquance ainsi que du petit peuple qui survit comme il peut et de vider les campagnes de paysans dits riches ( ils ont au moins une vache ou un cheval) car ce sont des ennemis de la patrie (?) et de déporter tous ces gens en Sibérie et en Oural.

De l'autre, des autorités absolument pas préparées, ni décidées à accueillir des étrangers , le pays n'ayant aucune infrastructure, ni route, ni voie de chemin de fer et ne pouvant pas subvenir aux besoins d'une population supplémentaire estimée à un million, qui plus est, avec une température dépassant rarement le zéro.

Entre les deux, des milliers de fonctionnaires qui, pour se faire bien voir, vont arrêter mille personnes quand on leur en demandait cinq-cent. C'est ce que l'on appelle la politique du chiffre qui va encore aggraver la situation.

Tous les éléments sont réunis pour une catastrophe que l'on qualifierait maintenant d'humanitaire.

L'auteur, après nous avoir rappelé tous ces faits, s'intéressera à une région
en particulier où les autorités débordées, débarqueront et abandonneront des déportés sur une île sans provisions, s'en suivra des cas de cannibalisme entre autres violences.

L'histoire de cette île est prétexte à raconter l'échec de la politique de Staline à cette époque qui l'amènera à créer le Goulag avec tous ses camps de travail qui avait, en plus, l'avantage de générer des profits énormes.

Dans ce type de récit, on ne peut malheureusement pas éviter de donner beaucoup de chiffres et de statistiques mais je voudrais juste en retenir une : les 4000 morts survenus sur cette île ne représentaient que 4% des victimes de la déportation massive de 1933.



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Un ouvrage plutôt court mais déjà riche en informations sur le tragique épisode des déportations-abandons en Sibérie en URSS au début des années 1930.

Les crimes des régimes communistes ne cesseront jamais de m'horrifier par leur inhumanité absolue, qui n'a rien eu à envier aux nazis. L'île aux Cannibales traite d'un épisode inconnu en Occident, au cours duquel le régime stalinien décida de se débarrasser des "éléments déclassés" en les expédiant mourir en Sibérie, officiellement pour "coloniser et mettre en valeur ce territoire".

Nicolas Werth rapporte les documents officiels qui ont étonnement survécu dans les archives pour expliquer les ressorts de l'opération menée au cours de l'année 1933, après celles des trois années précédentes. Si 1933 est particulière, c'est parce qu'elle prend place dans un contexte lui-même très particulier: le plan quinquennal et la NEP de Staline s'avèrent être des échecs douloureux, et le régime, pour masquer le désastre, presse les deux régions fertiles jusqu'à les affamer et provoquer la mort par famine d'au moins 6 millions de personnes.

Or, dans le même temps, ce même régime entreprend de déporter un million de personnes en Sibérie, en l'espace de quelques mois, en leur fournissant le minimum d'outils et de nourriture. Ces "éléments déclassés" n'ont rien à voir avec les paysans déportés les années précédentes: il s'agit pour l'essentiel de citadins, de "familles" (mères isolées et leurs enfants), de vieillards, d'enfants, de vagabonds, de malades mentaux, et de détenus de droit commun "non qualifiés pour le Goulag", et de toute personne prise sans passeport en règle sur les marchés et dans les gares.

La catastrophe pressentie est évidemment arrivée, plus d'un tiers des déplacés mourant en l'espace de quelques semaines, non sans que des scènes abominables ne se produisent, à l'image de ces cas d'anthropophagie évoqués. Si l'ouvrage de Nicolas Werth met en avant le cas de l'île de Nazino, pour lequel des témoignages concordants ont été recueillis par l'ONG Memorial dans les années 1980, il ne se concentre pas uniquement sur ce cas et aborde plus généralement cet "autre goulag".

Riche et précis, cet ouvrage très accessible intéressera sans aucun doute tous ceux qui sont curieux de l'URSS et de son système inhumain.
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Ce livre retrace cette déportation organisée en URSS pour déplacer des populations identifiés comme "nuisibles" vers des zones à coloniser, habiter, défricher.

Ce livre est très documenté, une grosse première partie mentionne beaucoup de chiffres, presque trop par moment pour ma part.

La ou je l'ai trouvé intéressant c'est premièrement dans le descriptif des dysfonctionnements de cette organisation.
- Des rafles et les arrestations totalement au hasard (parfois même de membres du Partie, pas d'inculpation ni d'enquêtes !!!) afin uniquement de "faire du chiffre". On a des descriptif précis de personnes ayant été déporté par erreur ou négligence.
- Des conditions sanitaires, matérielles et logistiques (infrastructures notamment) déplorables et honteuses
- Des différents niveaux de compétence (et d'incompétence) des différents responsables qui envoient des centaines ou milliers de personnes dans des zones inadaptés et sans prévenir les personnes sur place pour anticiper.
- de la bassesse de certains "responsables" qui relaient au pouvoir que tout se passe bien, que cela fonctionne bien, que tout est sous contrôle alors que c'est une catastrophe humanitaire et que même en se plaçant dans leur logique d'utilisation du peuple pour occuper un territoire c'est là aussi un échec.

Et deuxièmement, ce livre apporte des informations précises et documentés sur la vie sur place de ces déportés et les conditions de vie horribles qui entrainent des réactions humaine comme le cannibalisme, la violence, le vol, etc....

Un livre de 200 pages dont une 20aine de notes et précisions.
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J'ai essayé plusieurs fois de lire ce livre et plusieurs fois, j'ai renoncé, tant l'effroyable vérité qui s'imposait à moi grâce au travail de Nicolas Werth me rendait littéralement malade. Mais après avoir lu l'essai de Michel Eltchaninoff « Dans la tête de Poutine » , je voulais aller jusqu'au bout du récit de l'horreur. Poutine veut réhabiliter quelques aspects du Stalinisme, déclarant dans une formule célèbre « Celui qui ne regrette pas la destruction de l'Union soviétique n'a pas de coeur. Et celui qui veut sa reconstruction à l'identique n'a pas de tête ». Il nous reste, donc, à lire le travail des historiens pour savoir ce qu'a été exactement cette période de l'histoire de ce malheureux pays.

Nicolas Werth fait un travail très sérieux, il donne toutes ses sources et s'appuie uniquement sur les documents officiels soviétiques . L'île de Nazino ou « l'île aux cannibales » est un des rares événements bien connus des autorités de l'époque. (Mais ne représente que 1% des disparus des colonies de peuplement) Une enquête a été diligentée sur cette effroyable déportation : en 1933, on a envoyé des milliers de déportés dans une île entourée de marécages, ils étaient pour la plupart des citadins en tenu de ville et n'avaient aucun outil pour survivre dans un milieu hostiles. Les plus féroces d'entre eux ont tué les plus faibles pour les manger.

Cela n'est pas arrivé par hasard, Nicolas Werth démonte tous les rouages qui ont permis d'en arriver là. On aurait pu penser que l'échec des colonies de peuplement dont le point culminant est Nazino, allait permettre une prise de conscience des dirigeants communistes et effectivement cela a servi de leçon mais pas dans le sens que des êtres humains auraient pu l'imaginer. 1933 n'est que le début de l'élimination des « parasites » qui ne comprennent pas les bienfaits de la grande cause prolétarienne. … et en 1937 commencera « la grande terreur », Staline aura bien retenu la leçon de Nazino, plus de colonies de peuplement , il a mis en place des exécutions très rapides après des jugements expéditifs, Nicolas Werth avance un chiffre de 800 000 personnes fusillées et les autres finirent au goulag au travail forcé.

Si j'étais Russe je manquerai certainement de coeur MONSIEUR Poutine, mais je ne voudrais pas que l'on me force à regretter L'URSS.
Lien : http://luocine.fr/?p=4207
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Ce livre m'a été prêté, un sujet glaçant quand on sait que ceci a été la réalité et non une fiction. Je ne ferais pas de retour sur le livre en lui-même, le résumé et les extraits de ce témoignage parle de lui-même.



"Depuis le début des années 1990, l'ouverture des archives régionales de Novossibirsk et de Tomsk ainsi que la publication d'un certain nombre de documents relatifs à la tragédie de Nazino ont permis de mieux comprendre ce qui s'était passé sur "L'Ile-Mort" (Ostrov-Smert'), également surnommée par la population locale "l'île aux Cannibales" (Ostrov lioudoedov)."

"En réalité, un très grand nombre de personnes appréhendées au cours de rafles policières ne passaient même pas par ces procédures sommaires et étaient directement déportées après un bref passage en prison de transit. Tel fut le cas d'un grand nombre d'individus déportés de Leningrad et de Moscou, dans le cadre du "nettoyage" des deux plus grandes villes de l'URSS à l'occasion de la fête du Travail, le 1er mai 1933, vers Tomsk, puis de là, après un court séjour dans le plus grand camp de transit pour "déplacés spéciaux" de Sibérie, vers l'île de Nazino."

"Que nous apprend l'épisode, exceptionnellement bien documenté - par rapport à d'autres déportation de masse -, de l'île aux Cannibales? Cet événement éclaire, tout d'abord, la mise en oeuvre meurtrière d'une utopie : celle d'une vaste entreprise d'ingénierie sociale, d'une planification bureaucratique et policière visant à "nettoyer" et à "purifier" certains espaces soviétiques - et notamment les villes - de leurs "éléments déclassés et socialement nuisibles", en les déportant vers des "zones-poubelles" de la Sibérie."
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Note de service à l'intention de la police urbaine:

Le fonctionnaire de police ne doit jamais perdre de vue que tout individu sans passeport, tout individu non enregistré est déjà un individu suspect, qui soit a commis un crime, soit s'est échappé de prison, de camp ou de déportation et tente de brouiller les pistes, soit est sur le point de commettre un crime.

Selon les témoignages recueillis, les personnes interpellées passaient très peu de temps au poste de police, avant d'être embarquées dans les convois spéciaux pour la Sibérie sans même être autorisées a prévenir leurs proches.
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Depuis 1930, le Kazakhstan avait été entraîné, comme le reste du pays, dans la tourmente de la collectivisation forcée et la « dékoulakisation » , auxquelles s’ajoutait ici un vaste plan de sédentarisation. …. En réalité, ici plus qu’ailleurs, la course aux records de collectivisation, ainsi que des livraisons obligatoires de viande d’une ampleur sans précédent, désorganisèrent totalement le cycle productif. Le cheptel kazakh, le plus important de l’URSS à la fin des années 1920, fondit de plus de 85% en trois ans, entraînant une immense paupérisation de la population kazakhe qui, dans sa quasi totalité vivait de l’élevage.
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n trois ans, le cheptel sibérien fondit, selon les données officielles, des deux tiers, tandis que les rendements céréaliers baissaient des 45 .Les plans de collecte, quant à eux, augmentèrent durant ces années de plus de 30 % . Dès le printemps 1931, les rapports secrets de l’OGPU envoyés à la Direction régionale du Parti reconnaissaient l’existence de « foyers isolés de difficultés alimentaires » . Le plan de collecte de 1931, très élevé- plus de 1400 000tonnes de céréales et 450 000 tonnes de viande- , fut réalisé avec plusieurs mois de retard et au prix d’un abattage massif du cheptel et d’une confiscation d’une partie des semences pour la récolte de l’année suivante. Dans une quarantaine de districts agricoles du sud de la Sibérie occidentale, les disettes de 1931 evoluerent localement vers de véritable famines durant le printemps 1932
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Depuis l’instauration des camps de travail et « des villages spéciaux » pour paysans déportés, les prisons, dont la capacité maximale était de l’ordre de 180 000 places accueillaient en règle générale les condamnés à de courtes peines (inférieures à trois ans) et les individus arrêtés en attente de jugement. A partir de l’été 1932, sous l’effet des arrestations massives liées à la campagne de collecte, particulièrement tendue, le nombre des détenus incarcérés en prison augmenta de manières exponentielle pour atteindre le chiffre énorme de 800 000 personnes au printemps 1933.
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A Nazino, à la suite d’un faisceau de circonstances aggravantes – un groupe d’individus exceptionnellement démunis et inadaptés, expédiés sans la moindre intendance et débarqués dans des lieux particulièrement inhospitaliers -, ce sont les deux tiers des déportés qui disparaissent en quelques semaines. Exemple extrême, cas limite, cet épisode meurtrier s’inscrit non seulement dans la mise en œuvre d’une utopie , dans le fonctionnement d’un système bureaucratique et répressif-celui des Peuplements spéciaux- mais aussi dans un espace saturé de violence.
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Videos de Nicolas Werth (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nicolas Werth
L'historien Nicolas Werth est un grand spécialiste de la Russie et président de l'association Mémorial-France, attaché culturel près l'ambassade de France à Moscou durant la perestroïka avant d'intégrer le CNRS, est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages importants sur le système soviétique et les crimes staliniens. Il a de surcroît édité les carnets de guerre de son père, le journaliste britannique Alexander Werth, né en 1901 à Saint-Pétersbourg, correspondant à Moscou pour la BBC et le Sunday Times entre 1941 et 1948. Dans ce premier épisode d'une série vidéo en cinq volets, Nicolas Werth retrace l'origine sociale et la jeunesse de son père, le futur journaliste vedette du « Manchester Guardian » : Alexander Werth, né à Saint-Pétersbourg en 1901, mort à Paris en 1969.
L'épisode est à voir en intégralité ici https://www.mediapart.fr/journal/international/090822/de-saint-petersbourg-sous-le-tsar-la-france-occupee#at_medium=custom7&at_campaign=1050
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